Bahjat Rizk: Patrimoine immatériel et identité nationale (1)

2012-12-10





OPINIONS
I.- Patrimoine immatériel libanais et identité nationale
mercredi, décembre 12, 2012

Par Bahjat RIZK
Pour introduire ce sujet récurrent, de plus en plus d’actualité avec la mondialisation, je
reprendrai la définition adoptée par l’Unesco, conformément à une convention internationale adoptée
par la conférence générale en 2003 et ratifiée à ce jour par 146
pays, y compris le Liban, début 2007. On entend par « patrimoine culturel immatériel » les
pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire que les communautés
reconnaissent comme faisant partie de leur patrimoine culturel, transmis
de génération en génération ; il est recréé en permanence en fonction du milieu, de l’interaction
avec la nature et l’histoire, et procure un sentiment d’identité et de continuité aux communautés
qui en sont détentrices. Ce patrimoine traditionnel et moderne nourrit la diversité culturelle et
la créativité. Seul le patrimoine immatériel
conforme aux instruments internationaux existants relatifs aux droits de l’homme ainsi qu’à
l’exigence du respect mutuel entre communautés et d’un développement durable est pris en
considération.
Il existe plusieurs dispositifs complémentaires au niveau international pour soutenir la sauvegarde
: une liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente, une liste
représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité (à l’instar de celle du patrimoine
mondial regroupant les sites naturels et culturels classés
par l’Unesco en application de la convention de 1972) et un registre des meilleures pratiques de
sauvegarde. La septième session du comité intergouvernemental pour la sauvegarde du patrimoine
culturel, immatériel vient de se tenir au siège de l’Unesco du 3 au 7 décembre 2012.
À ce jour, la liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente comprend
27 éléments dans 15 pays (plus 8 candidatures lors de cette session), la liste représentative du
patrimoine culturel immatériel compte 232 éléments dans 86 pays (
plus 36 candidatures lors de cette session). Le registre des meilleures pratiques de sauvegarde
compte 8 programmes (plus 2 candidatures). En outre, dix demandes d’assistance internationale pour
des plans de sauvegarde ou d’inventaire ont été examinées par cette session par le comité qui
regroupe 24 membres des États parties à
cette convention élus pour un mandat de quatre ans, dont la moitié est renouvelée tous les deux
ans.
Après cette brève présentation technique indispensable, il est important de voir comment
le Liban se situe par rapport à cette convention, son esprit et sa répercussion sur le plan de
l’identité nationale.
Tout d’abord, cette notion de patrimoine culturel immatériel interactif, donc dynamique, qui
procure une identité et une continuité concernant les communautés, autrement dit en
deçà ou au-delà de l’entité juridique d’un pays et de ses frontières, est née avec la
mondialisation. Pour la première fois au niveau international, on parle de communautés sans
qu’elles soient spécifiquement nationales. Or, au Liban, qui est lui-même composé de communautés
religieuses culturelles et politiques, cette notion transcommunautaire
de patrimoine immatériel contribue fortement à l’élaboration d’une entité nationale qui soude les
Libanais et rattache le Liban à son environnement et au reste du monde, tout







en respectant sa spécificité. D’autre part, à travers cette notion de patrimoine culturel
immatériel (ou patrimoine vivant), nous réalisons que le processus d’identité n’est pas statique
mais qu’il s’agit bien d’une dynamique d’identification reposant, certes, sur des éléments
structurants de base mais qui interagissent de manière interactive et évolutive. En s’inscrivant
dans une construction progressive basée sur le vécu (ou le vivre- ensemble) et l’histoire, le
patrimoine culturel immatériel crée l’échange, donne en partage, restitue le lien et constitue le
patrimoine transmissible à travers les hommes et les générations. En outre, cette démarche doit
nécessairement s’inscrire dans le cadre des droits de l’homme et de l’exigence du respect mutuel
entre les communautés et d’un développement durable. La convention de 2003 établit un cadre
cohérent et pratique, en
conformité avec l’esprit et les idéaux de l’Unesco, pour répondre au mieux aux défis de la
mondialisation et des peurs ancestrales et archaïques qu’elle peut faire ressurgir
(À suivre)

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