Dans l'Agenda culturel compte rendu d'Etienne Kupélian à propos du Stabat Mater de Rossini

2013-06-03

la croisée des chemins entre le bel canto et le sacré, le ‘Stabat Mater’ de RossiniLe 03/06/13
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Il y a des fois où certains concerts vous procurent une sensation de bien-être et, pour les musiciens de l’orchestre, le sentiment d’un devoir accompli. C’était le vendredi 31 mai à l’Eglise Saint Joseph, l’Ochestre philharmonique du Liban, en formation réduite, soutenait deux chorales, celle de l’Université antonine et celle de l’Université Notre Dame de Louaïzé, pour jouer une des plus belles pièces lyriques du répertoire sacré de la musique : le ‘Stabat Mater’ de Gioacchino Rossini (1792-1868).

Le ‘Stabat Mater’ est une prière qui évoque les douleurs de la Vierge durant la Passion, et dont le texte est l’œuvre d’un moine italien du XIIIe siècle. Chantées tout d’abord sur le mode grégorien, les strophes du ‘Stabat Mater’ ont été mises en musique au cours des siècles par plusieurs compositeurs : Josquin Des Près (1450-1521) fut le premier à traiter le texte en polyphonie ; il sera suivi de Palestrina (1525-1594). Les compositeurs du baroque italien vont porter cette prière vers des sommets avec, notamment, les œuvres de Pergolèse (1710-1736) et de Vivaldi (1678-1741). Haydn (1732-1809), Schubert (1791-1828) et Liszt (1811-1866) en feront de grandes pièces oratoires. Dvorjak (1841-1904) ajoutera sa touche slave, et, plus près de nous, Szymanowski (1882-1937), Poulenc (1899-1963) et Arvo Pärt (né en 1935) signeront l’un des derniers chefs-d’œuvre sacrés du XXe siècle.

Chacun de ces compositeurs traitera le texte dans le style de musique qui lui est propre, et Rossini en fera une œuvre étroitement liée au Bel Canto. Pour cela, Toufic Maatouk a fait appel à quatre chanteurs venus d’Italie assurer les parties solistes de l’œuvre :
- La soprano Caterina Di Tonno nous a charmés par la rondeur de ses aigües dans l’’Inflammatus et accentus’ et son duo avec la mezzo dans ‘Qui est homo’ était un ravissement tant l’éloquence du dialogue nous plongeait au cœur du phrasé.
- Eloquence également, dotée d’un timbre chaud pour la mezzo Olessya Chuprinova qui, dans la cavatine ‘Fac,ut portem Christi mortem’ associait grâce et expression avec sensibilité et retenue.
- Eclat et vaillance pour le ténor Leonardo Cortellazzi qui a su adroitement (et courageusement) affronter la partie difficile du ‘Cujus animam gementem’ : Rossini, comme à son habitude, signe ici un des airs les plus incommodes pour la voix de ténor, car la partition requiert une voix à la fois lyrique et légère pouvant facilement atteindre les notes aigües ; tâche dont Cortellazzi s’est acquitté remarquablement.
- Quant à la basse Carlo Malinverno, sa voix profonde a envoûté l’audience dans son air ‘Pro peccatis suae gentis’ et a atteint un degré d’émotion soutenue lorsqu’il a chanté sa partie récitative dans ‘Eja, mater, fons amoris’ avec le chœur a cappella.

Un grand moment de bonheur du côté de l’orchestre et spécialement chez les vents où bois et cuivres se sont taillé la part du lion. Quant à Toufic Maatouk, toujours attentif à l’équilibre des sons, il a su donner au ‘Stabat Mater’ de Rossini une lecture épanouie, dessinant adroitement les contours du Bel Canto tout en préservant le côté sacré d’une œuvre à mi-chemin entre le théâtre et l’église.

La Palme d’Or (s’il y en a une à décerner) reviendrait incontestablement à ces jeunes amateurs qui, en dehors de leurs métiers, viennent grossir les rangs d’un chœur, témoignant ainsi de leur attachement à cette activité noble qu’est le chant choral. Un concert qui mérite de figurer parmi les réalisations les plus abouties de cette saison 2012/2013.

Etienne Kupélian

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