Interview de Violaine Prince dans l’Agenda Culturel 2013-11-20 par Zeina Saleh Kayali, Paris
La musique de Violaine Prince est très rarement programmée au Liban. En effet, seul le Centre du patrimoine musical libanais (CPML) a, jusqu’ici, donné à entendre les oeuvres de cette compositrice, sensible et inspirée, par la chorale A Coeur Joie sous la direction de Paul Safa et par la Mezzo-soprano Roula Safar. Les programmateurs de festivals et de concerts ne se sont pas encore intéressés à la production abondante et variée de cette artiste pour qui ’’la musique correspond à un besoin profond’’.
En revanche, la ville de Montpellier où réside Violaine Prince ne s’y est pas trompée. L’Eglise Sainte Thérèse, y verra, le 22 novembre, la création mondiale du Requiem de Violaine Prince par le prestigieux chœur symphonique de Montpellier sous la direction de Vincent Recolin.
Quelle est l’histoire de ce Requiem ?
La première version date de mes 12 ans ! J’avais déjà à l’époque écrit tous les mouvements, voix et orchestre ! En 2008, en arrivant à l’âge de 50 ans, je me suis dit qu’il fallait que je mette de l’ordre dans mes écrits et dans mes armoires, comme pour fermer des parenthèses ouvertes pendant ma vie. J’ai donc repris cette oeuvre qui dormait depuis 38 ans et je l’ai entièrement réécrite, sauf le Sanctus qui reste absolument identique à l’original. J’ai conçu ce Requiem à la manière dont je voudrais moi-même faire mon chemin vers la mort.
Comment avez-vous construit cette oeuvre ?
De façon récursive, avec des mouvements qui se répondent à la manière dont on ouvre et ferme une parenthèse : le 1er mouvement, l’Introit, qui est lent et grave, trouve son aboutissement dans le 9e mouvement, In paradisum, qui est jubilatoire. Au 2e mouvement, Kyrie, en grec, répond le 8e mouvement, Agnus Dei, en latin. Le 3e mouvement, Dies Irae, plein de colère, se conclut au 7e mouvement, par le Sanctus, la Bénédiction. Au 4e mouvement, Recordare, où l’âme a peur, correspond le 6e mouvement avec l’offertoire, l’offrande. Le 5e mouvement, lui, est double. Il se répond à lui-même. C’est le Libera me, l’instant le plus émouvant de l’oeuvre. Il introduit le sujet et le conclut. Les deux solistes représentent l’âme du mort (mezzo-soprano) et l’ange intercesseur (soprano). Le chœur représente les êtres humains, la partie d’humanité résiduelle.
Votre musique est-elle influencée par vos origines libanaises ?
Oui certainement. Je suis née au Liban et j’y ai fait mes premiers pas musicaux. Le Liban est une trame de fond intrinsèque de mes compositions. Je suis en outre très croyante et la musique liturgique libanaise, syriaque ou byzantine, est une grande source d’inspiration pour moi. On retrouve dans le Requiem de fortes résonnances orientales issues de nos musiques, notamment le Kyrie qui se présente comme un dialogue entre la soliste et la flûte à la manière de notre Nay. D’ailleurs le chef d’orchestre, Vincent Recolin définit ma musique comme un mélange d’Arvo Part, de Keith Jarret et de Soeur Marie Keyrouz !