« Ah ! le président était compositeur à ses heures perdues ? » , de Zeina Saleh Kayali-OLJ

 « Ah ! le président était compositeur à ses heures perdues ? » OLJ / Par Zeina SALEH-KAYALI, le 10 septembre 2025 à 00h00

L’un des compositeurs vivants les plus importants de sa génération est méconnu dans son pays natal. Pourquoi ?

Il est des artistes qui sont respectés et célébrés dans le monde entier, mais ignorés dans leur pays d’origine. Ce fut ainsi le cas de deux grands compositeurs français, Hector Berlioz (1803-1869) et Francis Poulenc (1899-1963), dont la musique n’était quasiment jamais programmée en France, jusqu’au moment où les interprètes anglais, et notamment le chef d’orchestre Sir Colin Davis (1927-2013), les découvrirent et leur donnèrent leurs lettres de noblesse par le biais d’enregistrements qui firent date et de programmations régulières tant au Royaume-Uni que dans le cadre de tournées mondiales. Ainsi, ces deux géants du patrimoine musical français étaient jusqu’à il y a quelques années joués et adulés dans une grande partie des pays du monde, mais leurs œuvres se faisaient rarissimes en France. Heureusement que ce vide est aujourd’hui comblé, quoique certaines œuvres de Poulenc, notamment vocales, sont jusqu’à ce jour fort difficiles à trouver par des ensembles français, alors que les enregistrements de formations anglaises foisonnent.

Pour mémoire

Monsieur Béchara el-Khoury, « votre concerto a touché au cœur »

Mais tout ce qui précède, quoique fort instructif, n’est en fait qu’un prétexte. Un prétexte pour parler du compositeur libanais Béchara el-Khoury, né en 1957 au Liban et établi depuis 1979 en France. Cet artiste est considéré par les mélomanes du monde entier comme l’un des compositeurs vivants les plus importants de sa génération. Les formations les plus prestigieuses et les plus grands artistes ont interprété sa musique à travers le monde depuis le début des années 1980 et jusqu’à ce jour. Citons (et ce n’est pas exhaustif) l’Orchestre national de France, le London Symphony Orchestra, l’Orchestre de Paris, l’Orchestre philharmonique d’Oslo, la Philharmonie tchèque, NDR Symphony Orchestra Hamburg, l’Orchestre du Konzerthaus de Berlin, le Detroit Symphony Orchestra, le Dearborn Symphony Orchestra (Michigan), la Kammerakademie Potsdam, l’Orchestre national symphonique du Danemark, et il y en a encore plusieurs dizaines. Côté chefs d’orchestre, la liste n’est pas moins impressionnante : Pierre Dervaux, Kurt Masur, Daniel Harding, Paavo Jarvi, Jean-Claude Casadesus, Pierre Bleuse, Fabio Luisi, Daniel Kawka, et ici aussi l’on pourrait continuer pendant des lignes entières. Passons aux solistes maintenant : Emmanuel Pahud, Pascal Amoyel, Patrick Messina, Sara Nemtanu, Daniel Hope, Éric Le Sage, Paul Meyer et tant et tant d’autres. Quant aux salles qui ont accueilli les œuvres de Béchara el-Khoury, citons (parmi d’autres) l’auditorium de Radio France, la Philharmonie de Paris, le théâtre des Champs-Élysées, la Seine Musicale, la salle Gaveau, la salle Cortot, tout cela rien qu’à Paris, sans compter le Barbican Hall à Londres, la Philharmonie de Kiev, l’Orchestra Hall à Detroit et une bonne vingtaine d’autres salles et festivals dans le monde.

Mais alors pourquoi, oui pourquoi, personne (ou presque) ne connaît Béchara el-Khoury au Liban ? Est-ce à cause de son homonymie avec l’ancien président de la République ? Ce n’est pas une plaisanterie, car il est encore des personnes, quand il est cité, qui demandent : « Ah ! le président était compositeur à ses heures perdues ? » Pourquoi le Liban ne le célèbre-t-il pas, ne le soutient-il pas comme une nation civilisée le fait pour un artiste dont elle est fière et qui porte si haut son nom à travers le monde ? Pourquoi les instances de l’État ne lui commandent-elles pas une symphonie à la gloire du Liban, comme cela se fait dans d’autres pays ? Il est actuellement en phase d’écriture de sa troisième symphonie et un geste du Liban officiel (ou non) lui ferait certainement chaud au cœur.

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À tout hasard, au cas où cela pourrait être utile (mais à qui ?), voici un aperçu de l’actualité de Béchara el-Khoury : sortie prochaine d’un CD de l’Orchestre national de Lyon sur lequel figure la Symphonie alpestre de Richard Strauss (1864-1949) et le Grand poème alpestre Nach Garmisch de Béchara el-Khoury, œuvre pour cor et orchestre (soliste Guillaume Tétu), composée en hommage à Richard Strauss. Par ailleurs, le 13 novembre 2025, au théâtre des Champs-Élysées et pour marquer le dixième anniversaire des attentats de Paris (Bataclan…), sera joué Il fait novembre en mon âme, poème symphonique de Béchara el-Khoury, par l’Orchestre de chambre de Paris, sous la direction de Harry Ogg avec la soprano Erminie Blondel en soliste. Cette œuvre avait été commandée par la Fondation de France et créée à la Philharmonie de Paris en novembre 2020, à l’occasion du cinquième anniversaire desdits attentats, et L’Orient-le Jour en avait d’ailleurs rendu compte. Au programme de ce concert également, L. van Beethoven (1770-1827), Les créatures de Prométhée, ouverture, et la Symphonie n° 39 K.543 de W.A. Mozart (1756-1791). Il y a pire, n’est-ce pas ?

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