Parmi les multiples activités de la cheffe d’orchestre et de choeur Yasmina Sabbah, un concert de musique sacrée anglaise consacré aux oeuvres de McMillan et Haendel avec le choeur et l’ensemble à cordes de l’USJ. Elle en dit plus à l’Agenda culturel.
Vous avez choisi deux compositeurs d’époque très différentes. Pourquoi?
En effet, je trouve que cela crée un bel équilibre entre les deux pièces, pour une meilleure expérience pour l’auditeur. Ce programme propose un fascinant contraste entre la jubilation rayonnante du Dixit Dominus de Haendel et la méditation profonde et douloureuse du Seven Last Words from the Cross de MacMillan. Un dialogue riche s’instaure entre ces deux œuvres, l’une baroque, l’autre contemporaine, offrant une exploration des multiples facettes de la spiritualité. Le Dixit Dominus, avec son contrepoint raffiné et son énergie rythmique, incarne la splendeur du style baroque. Le Seven Last Words from the Cross, en revanche, nous plongent dans un univers sonore plus intime, où les textures se font plus épurées, la structure plus libre et l’harmonie parfois atonale, invitant à une profonde introspection. De l’exaltation à la douleur, ces deux œuvres conjuguées offrent un voyage émotionnel intense, une exploration des profondeurs de la foi et de l’expérience humaine.
Y-a-t-il des points communs entre ces deux œuvres ?
Les deux œuvres sont pour chœur et orchestre à cordes.. MacMillan fait de nombreuses références à la musique ancienne dans sa pièce, telles que le chant grégorien, les chorales de Bach et le contrepoint de la Renaissance. Ces deux œuvres sont extrêmement virtuoses pour chœur et orchestre, mais de manière différente. Le Haendel présente de nombreux passages en colorature, avec une grande étendue vocale, qui exigent une grande agilité et une précision dans l’intonation. Les parties pour cordes sont très complexes, et techniquement difficiles. En revanche, le MacMillan est harmoniquement très complexe. Souvent atonal, il est difficile pour le chœur de trouver les notes. Le registre s’étend également dans les extrêmes, demandant beaucoup de respiration et nécessitant de tenir de longues notes, sans aucun soutien instrumental, les cordes jouant des passages très différents. Cette œuvre représente également un défi important pour les cordes, avec des passages techniquement difficiles et rythmiquement complexes, comportant de nombreuses polyrythmies. Enfin, rarement présenté au public, le “Dixit” de Haendel est souvent éclipsé par ses œuvres plus connues. Quant à MacMillan, c’est une première au Liban. Le public libanais n’est pas habitué à la musique contemporaine et atonale, et nous sommes ravis d’offrir cette expérience au public.
Y-a-t-il à votre sens une spécificité à la musique anglaise chorale ?
Absolument, même si ce concert en particulier n’est pas très représentatif de cela. Bien que les deux compositeurs soient considérés comme anglais, Le “Dixit Dominus” de Haendel démontre une forte influence italienne, reflétant son séjour en Italie et le paysage musical vibrant qu’il y a rencontré. L’œuvre intègre des éléments de la tradition chorale italienne de la fin du XVIIe siècle, en particulier son écriture pour cordes exubérante et le style du concerto italien. La musique de MacMillan, par contre, est ancrée dans la musique traditionnelle écossaise et celtique, que l’on retrouve dans chaque mouvement de l’œuvre.
Est-il complexe aujourd’hui de faire vivre un chœur au Liban ?
Absolument. Faire partie d’un chœur qui interprète des programmes complexes et exigeants requiert un grand engagement. En plus des deux répétitions hebdomadaires, il est nécessaire de fournir une préparation et un travail individuel importants entre celles-ci. Étant donné que les chanteurs sont des bénévoles, il est impératif de maintenir leur engagement et de les mettre en lumière en cultivant une passion forte pour la musique, qui est la raison pour laquelle nous chantons. En célébrant nos réussites et en partageant notre amour de la musique, nous renforçons notre cohésion et notre dévouement collectif. De plus, le financement des concerts devient de plus en plus difficile chaque année, ce qui complique notre capacité à poursuivre notre mission et à organiser nos activités.
Que faut-il vous souhaiter ?
Nous souhaitons continuer à réaliser tous nos projets futurs en bénéficiant d’un soutien accru et d’un réseau élargi de mécènes. Cela nous permettra de poursuivre notre mission de faire découvrir au public libanais des œuvres toujours nouvelles et hors du commun.
Informations :
Concert du Chœur et de l’Ensemble à cordes de l’USJ, avec les solistes Yara Kasti, Begoña Gómez, Charles Eid et Cesar Naassy, sous la direction de Yasmina Sabbah, le jeudi 5 juin à 20 h 30 à l’Église Saint-Joseph, Monnot. L’entrée est gratuite, avec des billets à réserver via Virgin Ticketing BoxOffice.
Pour plus d’informations: https://www.usj.edu.lb/choeurusj/concert-21fr.php
Pour mieux comprendre l’œuvre de MacMillan, voici un « listening guide » enregistré par la cheffe de chœur, Yasmina Sabbah : https://youtu.be/Omxgr9fDVhU