Dans l’Agenda culturel Elie Maalouf musicien sans frontières 2013-09-16 par Zeina Kayali, Paris
Pianiste, compositeur, musicien totalement polyvalent et sans frontières, Elie Maalouf ne craint absolument pas le mélange des genres musicaux. Il passe avec un égal bonheur du classique, au jazz, à l’oriental, faisant dialoguer les cultures musicales avec élégance et naturel. Originaire de Zahlé, Elie Maalouf vit depuis une vingtaine d’années en France où il enseigne la musique et se produit régulièrement en concert. Il nous raconte son parcours totalement atypique et nous parle de son actualité.
Vous êtes un passionné, je dirai même un boulimique de musique ! Comment y êtes-vous arrivé ? Avez-vous baigné dans une atmosphère musicale depuis l’enfance ?
Pas du tout ! Je suis un ovni musical ! Il est vrai que ma mère a une grande sensibilité artistique et que mon père nous faisait écouter les chansons de Farid El Atrache en voiture. Toutefois, mes parents me racontent une histoire assez révélatrice qui date de ma toute petite enfance : En 1975, j’avais alors trois ans, ils décident de ‘faire le voyage’ de Zahlé à Beyrouth pour aller écouter l’opérette des Rahbani, ‘Mays el Rim’ qui se jouait au théâtre du Piccadilly avec bien sûr Feyrouz dans le rôle principal. N’ayant personne à qui me confier, ils décident de m’y emmener en espérant que je m’endormirais ! Or ma mère me raconte que pendant toute la durée de la représentation j’avais les yeux écarquillés et je n’ai pas bronché, comme hypnotisé par la musique ! Je pense que ma passion pour les Rahbani et Feyrouz doit dater de cet épisode.
Avez-vous suivi une formation musicale ?
Très tôt, j’ai demandé à faire de la musique. Mais à Zahlé, à l’époque, nous étions en pleine guerre, il n’y avait pas d’école de musique ni de conservatoire. Nous n’avions pas de piano à la maison. Donc je me suis formé comme ça, tout seul, en ayant des professeurs plus ou moins compétents, en allant chez des voisins qui avaient un piano, ou encore à l’église, passant des heures sur l’instrument et jouant toutes sortes de musiques. J’ai même appris à démonter et remonter la mécanique du piano, tant parfois je tombais sur des ‘casseroles’ !
Jusqu’à l’âge de 16 ans j’ai été un autodidacte absolu. Puis, miracle, ayant mis de l’argent de côté, mes parents voyant ma motivation et sur l’insistance d’un de mes professeurs, nous nous procurons un piano ! Et là c’est le bonheur absolu ! J’y suis ‘scotché’ entre 7 et 8h par jour, ne voulant même plus aller me coucher !
Mais jusqu’ici toujours pas d’école de musique ?
Si ! Enfin ! Une école de religieuses à Jounieh propose un baccalauréat musical. Je suis à l’époque en classe de 2nde et nous sommes dans les années 1988-1989. Je m’y inscris donc, et je commence un cursus hélas interrompu par les combats entre factions chrétiennes. Je me résous donc à partir pour la France où mon frère est déjà installé et là je m’inscris au conservatoire de Toulouse. Puis je gagne Etampes à côté de Paris dans la classe du grand pianiste d’origine libanaise, illy Eidi. J’ai dû en arrivant en France, reprendre quasiment à zéro l’apprentissage musical tel qu’il est dispensé dans les conservatoires. Ce fut au début très dur. Un véritable choc culturel. Mais j’ai tant appris ! Ne serait-ce qu’aller au concert! Voir un pianiste sur scène, expérience dont j’ai été totalement privé pendant ma jeunesse au Liban.
Et aujourd’hui quelles sont vos activités et comment définiriez-vous votre musique ?
Le fait d’avoir commencé à apprendre la musique ‘sur le tas’ m’a donné une ouverture. Je ne suis pas coulé dans un moule ou cantonné dans un genre, comme peuvent l’être parfois les musiciens classiques. J’ai entretemps perfectionné mon apprentissage du jazz que j’enseigne maintenant. J’ai créé un groupe en mélangeant les instruments orientaux et occidentaux, j’ai appris à jouer le bouzouk et d’ailleurs je suis très fier et très heureux de l’instrument que je viens de faire fabriquer avec des planches de bois de noyer occidental datant du 17e siècle pour la caisse de résonnance, et pour la table, du bois de cèdre du Liban. Un instrument cher à mon cœur et qui mélange si harmonieusement les époques et les cultures. J’espère pouvoir en jouer lors de mon prochain concert au mois de décembre à l’Institut du Monde Arabe à Paris.