Jorge Takla ou le retour aux sources  MUSIQUEFESTIVAL 26/05/2025| Zeina Saleh Kayali pour l’Agenda culturel

Ce grand artiste libano-brésilien de renommée mondiale, met en scène l’opéra Carmen de Georges Bizet dans une production originale du Festival International de Baalbeck. Il raconte son parcours à l’Agenda Culturel.

 Vous êtes parti très jeune du Liban ?

De père libanais et de mère brésilienne, j’ai quitté le Liban pour la France en 1968, où mon père avait été nommé ambassadeur. J’étais en classe de terminale. J’ai ensuite commencé des études d’architecture à l’école des Beaux-Arts que j’ai abandonnées pour entrer au Conservatoire d’art dramatique. Je voulais être comédien.

 En 1974 vous faites une rencontre importante au Festival International de Baalbeck ?

Absolument. Je passais mes vacances à Beyrouth et, déjà passionné par le Festival International de Baalbeck, j’y faisais le guide pour les artistes de passage. C’est là, que je rencontre le metteur en scène et plasticien américain Bob Wilson venu à Balbeck pour préparer un spectacle prévu en 1975. Nous sommes devenus très amis et j’ai commencé à travailler avec lui, sauf que ledit spectacle n’a évidemment jamais eu lieu à cause du déclenchement de la guerre du Liban. C’est resté pour moi une énorme déception et voilà que je reviens à Baalbeck 50 ans plus tard !

 En 1975 vous partez pour les Etats-Unis ?

Oui, afin d’y travailler comme comédien et je suis engagée dans une compagnie qui tourne beaucoup à travers le monde. J’ai bénéficié des conseils de la grande comédienne Rida Khoury qui a été un peu ma marraine dans le métier. Toutefois, je considère que je n’étais pas un très bon comédien, mais j’étais en revanche passionné par tout ce qui tournait autour du théâtre : la mise en scène, les éclairages, les costumes, les décors. J’ai alors eu l’occasion de monter un spectacle de A à Z et c’était ma toute première expérience

 A quel moment gagnez-vous le Brésil ?

Pour le mariage de mon frère. Et ce qui devait être un séjour familial est devenu ma vie. C’est là que j’ai dirigé un théâtre pendant dix ans. J’étais complètement immergé dans la vie théâtrale, puis j’ai fondé une maison de production et j’ai monté des ballets, des opéras, des comédies musicales, à travers tout le Brésil mais aussi l’Argentine et d’autres pays d’Amérique latine. J’ai mis en scène 150 spectacles.

 Le Liban vous manquait ?

J’avais le cœur serré d’être loin du Liban pendant toutes ces années et je n’y suis pas revenu pendant 30 ans. J’ai commencé à y retourner en 2006 et une petite voix intérieure, comme un frein, me disait « ne t’enthousiasme pas trop »

 Jusqu’à la proposition du Festival International de Baalbeck de monter l’opéra Carmen ?

Oui ! Et là j’ai annulé tous mes engagements pour mener à bien ce projet, malgré l’instabilité de la situation.  Ayant été brutalement coupé de mes racines en 1975, ce retour aux sources représente énormément pour moi sur le plan affectif et émotionnel.

 C’est une Carmen spéciale pour Baalbeck que vous préparez ?

Tout à fait. Tout d’abord l’on célèbre à travers le monde entier les 150 ans de cet opéra. Donc il est normal qu’un festival aussi mythique que celui de Baalbeck le fasse aussi.  Au départ, la présidente du Festival m’avait demandé de faire représenter la Carmen que j’avais mise en scène à Sao Paolo et qui avait eu beaucoup de succès. Mais Baalbeck, le plus beau théâtre du monde, mérite sa propre Carmen et c’est une production tout à fait originale et sur mesure qui se prépare. Tous les jours je découvre de nouveaux aspects de ce lieu magique.

 Qui sont les artistes qui vous entourent ?

Une magnifique équipe libano-franco-roumano-brésilienne ! Vous voyez nous sommes dans le dialogue des cultures. La direction musicale est assurée par le père Toufic Maatouk. Il est à la tête de l’Orchestre de chambre de la Radio roumaine, du chœur de l’Université Antonine et de solistes franco-libanais. Marie Gautrot est Carmen, Julien Behr est Don José, Vanina Santoni est Micaela, Jérôme Boutiller est Escamillo, Mira Akiki est Frasquita, Grace Medawar est Mercedes et nous avons également Philippe-Nicolas Martin, Fady Jeanbart, Jason Choueifaty et Cesar Naassy.

 Qu’en est-il du décor et des costumes ?

Les costumes sont créés par Rabih Keyrouz. 250 costumes exécutés au Liban avec la collaboration de l’école de mode de l’ALBA et de l’institut Creative Space. Tout ceci, comme vous pouvez l’imaginer fait travailler des dizaines de personnes. Quant au décor, c’est évidemment Baalbeck en tant que tel. Avec quelques aménagements, notamment une scène circulaire en forme d’arène, un plateau rond encastré dans les marches du temple de Bacchus. Il y aura des décors virtuels projetés, à partir du travail de l’artiste Nabil Nahas. Une rencontre de l’art contemporain sur un lieu millénaire sous la direction technique de Gilles Dubu. La chorégraphie est assurée par Anselmo Zolla, chorégraphe brésilien avec qui j’ai l’habitude de travailler. L’opéra sera surtitré en arabe et en anglais.

 Le film de présentation que les lecteurs peuvent consulter ci-dessous est l’œuvre d’un tout jeune réalisateur ?

Oui, Emile El Helou qui a bien compris qu’il fallait travailler dans la simplicité pour marquer les esprits.  Il décline la fleur rouge qui naît des pierres millénaires et l’effet en est remarquable. Ce jeune de 22 ans est d’une créativité extraordinaire et je pense qu’il ira loin.

 Que faut-il vous souhaiter ?

Beaucoup d’énergie et de patience pour mener à bien cette immense tâche. Car créer une production originale, comme c’est le cas ici, est bien plus complexe que d’importer un spectacle déjà existant.

Consultez le programme ici

Leave a Comment

Suivez-nous

À Propos De Nous

Le CPML regroupe l’oeuvre musicale de compositeurs et d’interprètes libanais. Qu’elle soit occidentale ou orientale.

@2024. All Right Reserved. PatrimoineMusicalLibanais.com

Are you sure want to unlock this post?
Unlock left : 0
Are you sure want to cancel subscription?
-
00:00
00:00
Update Required Flash plugin
-
00:00
00:00