Le Festival Al Bustan ou la résistance par la musique, de Zeina Saleh Kayali-Agenda Culturel

Dans l’Agenda Culturel Le Festival Al Bustan ou la résistance par la musique 2023-02-17 de Zeina Saleh Kayali

Alors que le Festival Al Bustan, apporte toujours son lot de bonnes surprises, commence le jeudi 23 février et se poursuit jusqu’au 19 mars, Laura Lahoud répond aux questions de l’Agenda Culturel.

Comment vous sentez-vous à quelques jours de l’ouverture du festival ?
Il y a des jours où tout est formidable et d’autres où tout semble d’une difficulté insurmontable ! Mais je suis heureusement entourée d’une équipe qui m’aide très efficacement avec toutes les contraintes logistiques et pragmatiques d’une organisation aussi complexe.
Comment avez-vous repris les rênes du festival, à la suite de votre mère Myrna Boustany, qui en fut l’âme et la fondatrice depuis 1994 ?
Il n’y a pas eu de véritable passation de pouvoir avec ma mère, qui est toujours présente et dont l’avis est précieux. Les choses se sont passées naturellement et comme j’étais de plus en plus engagée et profondément impliquée dans le Festival, la transition s’est passée en douceur. C’est d’ailleurs ma mère qui a trouvé le thème de 2023. A l’origine elle avait pensé à Guerres et paix, à cause de la situation mondiale qui est si explosive, mais finalement avec le Directeur musical Gianluca Marciano, nous avons préféré Musiques pour la paix.
Ces trois dernières années ont été très difficiles ?
Terribles ! Les problèmes ont commencé depuis que la crise financière a éclaté et la série de crises qui ont suivi ! Quand l’épidémie du Covid s’est déclarée, nous avons été obligés d’interrompre le festival au bout de neuf concerts. Heureusement que la Camerata Salzburg a pu jouer les deux concerts prévus, mais juste après, nous avons dû tout annuler, alors qu’il restait encore six concerts à venir… Mais ce dernier moment est resté inoubliable, tout d’abord grace à la beauté de la musique de Beethoven dont on célébrait le 250e anniversaire, des interprètes, de l’orchestre, du chef Jeremie Rhorer de la soprano Christina Gansch qui depuis fait une belle carrière. Et puis pour couronner le tout, nous avons eu pour Egmont, un récitant de choix soit l’ambassadeur d’Autriche qui a très gentiment joué le jeu.
Il a fallu aussi gérer le festival à la lumière de la crise économique ?
Oui et 2022 a été un grand test. Allait-on pouvoir se relever et continuer ? D’ailleurs le festival cette année-là s’est appelé Reconnect. Il fallait se reconnecter avec le public, les artistes et la musique live, après deux ans d’isolement. Mais de nouvelles crises se sont encore ajoutées aux autres, notamment à cause du déclenchement de la guerre en Ukraine. Finalement malgré les nombreux obstacles tout s’est heureusement bien passé.
Et que nous avez-vous « concocté » pour l’édition de 2023 ?
Dix-neuf concerts très éclectiques dont vous avez tous les détails sur ce lien. Vous en avez pour tous les goûts cette année : récitals de piano, musique de chambre, lyrique, musique orchestrale, jazz etc. Des interprètes de différentes origines venus du monde entier ; Corée, Russie, Ukraine, Italie, Royaume Uni, France, Etats-Unis, Canada… Nous sommes particulièrement heureux d’accueillir cette année plusieurs artistes venant de pays occupés ou en guerre.
Certains habitués du Festival reviennent régulièrement ?
Oui, comme Renaud Capuçon qui est un fidèle et qui cette année présente de jeunes et brillants instrumentistes à qui il donne un tremplin formidable. Et bien sûr Abdel Rahman El Bacha le chouchou des Libanais que l’on connaît comme l’immense concertiste qu’il est, mais qui cette fois vient comme chambriste avec une excellente jeune violoncelliste, Astrig Siranossian. Ils interprèteront entre autres, des œuvres de El Bacha père et fils !
Et la Missa in Tempore Belli de Haydn ?
C’est un moment phare du Festival car cette œuvre représente parfaitement le thème de cette année (messe pour un temps de guerre). Ce concert se déroulera à l’église Saint Joseph de Beyrouth avec des interprètes chevronnés dont le ténor libanais Bechara Mouffarej, le chœur NDU qui fête ses trente ans et l’Orchestre philharmonique du Liban, tous placés sous la direction du Maestro Gianluca Marcianò.
La culture libanaise fait partie intégrante du Festival ?
Bien sûr ! A part le programme d’Abdel Rahman El Bacha et Astrig Siranossian, nous avons la chance d’avoir Georges Khabbaz qui est un artiste complet. Il dira des poèmes de sa composition dans le cadre de deux soirées libanaises dans le meilleur sens du terme : culture, affectivité, patriotisme et nostalgie.
Le jazz a-t-il sa place au Festival Al Bustan ?
Tout à fait et nous y consacrons deux soirées, l’une au trio Anthony Wonsey (piano, contrebasse et percussion) et l’autre au jazz oriental, intitulée Jazziyyat, où instruments d’Orient et d’Occident dialogueront dans une belle harmonie (nay et harpe). Ce concert tout à fait original se tiendra à Saïda à Khan Sacy et sera précédé d’une visite touristique de la ville.
Le Festival n’a pas peur des mélanges originaux d’instruments !
En effet car le célèbre quatuor Hermès va donner deux concerts dont l’un purement classique à l’Eglise St Elie, Kantari, et l’autre avec l’accordéoniste Félicien Brut et le contrebassiste Edouard Macarez, et je vous promets que ça va tanguer !
Puis vous revenez à un programme plus classique ?
Oui le grand clarinettiste Andreas Ottensamer va diriger l’Orchestre philharmonique du Liban dans un programme Rossini, Schubert, Mozart, Beethoven. Il a promis de jouer également un concerto de clarinette, et ce sera fascinant de voir le chef être aussi instrumentiste.

Et pour terminer ?

De petites surprises que le public aura le plaisir de découvrir et de partager… La musique live est après tout une question de partage, un moment magique passé ensemble…

Nous avons la chance d’avoir plusieurs concerts orchestraux cette année, avec l’Orchestre Magna Grecia, l’Orchestre Symphonique libanais, et le YMEO, un orchestre de jeunes musiciens européens qui jouera une fois à Tyr et l’autre au Bustan pour clôturer le Festival sous la direction de Paolo Olmi.

Y a-t-il des évènements qui se déroulent en marge des concerts ?

Le Festival Al Bustan est solidaire et tient à inclure le plus grand nombre de libanais. C’est ainsi qu’en marge des concerts, deux conférences ont été données, trois masterclass organisées, dont l’une avec la grande soprano d’origine libanaise, Joyce El Khoury. Parallèlement, certains musiciens iront se produire dans des écoles, des hôpitaux, dans la rue et de jeunes élèves d’écoles défavorisées pourront assister à quelques répétitions, sans oublier notre collaboration avec l’IRAP, SOS Village D’enfants, et la Lebanese School for the Blind and the Deaf (LSBD)

Vous pensez que la musique peut être un facteur de paix entre les peuples ?

Certainement. La musique est un langage universel qui abolit les frontières et qui favorise le dialogue entre les peuples. Le festival Al Bustan est un acte de foi en notre cher pays, en l’importance de l’art, la culture et la musique au Liban. Nous avons choisi le thème “Musiques pour la Paix” pour faire face aux crises multiples auxquelles notre pays est confronté. Nous sommes déterminés à résister à travers la culture et la musique.

www.albustanfestival.com

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