Ouverture éblouissante du Festival Beirut Chants

05/12/2024|Zeina Saleh Kayali

Alors que le canon tonnait encore, les organisateurs de Beirut Chants avaient courageusement décidé de maintenir le festival et de le doter d’une programmation éclectique. L’ouverture, avec un programme baroque, extraits du Messie de Georg Friedrich Haendel (1685-1759) et classique, la Messe du Couronnement de Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) se tenait le 4 décembre dans une église Saint Joseph pleine à craquer. La soirée s’ouvre avec une allocation très touchante de la directrice du festival, Micheline Abi Samra, qui dit que la musique se doit de couvrir le bruit des bombes.

Réunir dans un même programme Haendel et Mozart est un pari esthétique indiscutable, car l’étude approfondie que Mozart a consacrée à l’œuvre de Haendel a eu une profonde influence sur son œuvre. Et il a même remanié Le Messie dans ce que l’on appelle désormais « la version Mozart ». C’est donc un pari réussi du père Toufic Maatouk, directeur musical du festival qui rassemblait sous sa baguette inspirée le chœur de l’Université Antonine, quatre solistes de qualité Mira Akiki, soprano, Grace Medawar, mezzo-soprano, Bechara Moufarrej, ténor, César Naassy, baryton-basse, ainsi que le Lebanese Orchestra. Dans la première partie consacrée aux extraits du Messie de Haendel, la rigueur, doublée de sensibilité, dont font preuve les musiciens est exemplaire. Richesse du continuo, précision, tout est mis au service du contenu des textes chantés. D’emblée l’orchestre séduit par ses couleurs et son juste équilibre. La soprano cisèle un chant élégant et limpide, tandis que le baryton-basse d’une présence rayonnante, se montre impressionnant de justesse et de puissance. Et quand explose le célébrissime Alleluia, superbement interprété par le chœur, une onde de joie traverse l’assemblée.

La deuxième partie du concert est consacrée à la Messe du Couronnement de Mozart en ut majeur. Le compositeur l’écrivit à l’âge de vingt-trois ans, lors d’un moment de profond désarroi, après la mort de sa mère et une déception amoureuse, sur une commande de l’archevêque de Salzbourg, en l’honneur de la fête commémorative annuelle du Couronnement de la Vierge miraculeuse du sanctuaire baroque de Maria Plain en Autriche. Œuvre magnifique où alternent chœur et solistes. Les numéros se succèdent, Kyrie, Gloria, Credo, Sanctus dont le flamboyant Hosanna est quasi opératique, Benedicte et enfin, le sommet de la partition, Agnus Dei. Il commence sur une aria de soprano que Mozart réutilisera dans le fameux Dove sono de la Comtesse au cœur des Noces de Figaro, faisant le parallèle entre la femme qui souffre de l’amour perdu et le Créateur qui s’apitoie sur l’Agneau. Après la soliste, monte le magistral crescendo expression du Dona nobis pacem, tellement de circonstance que les choristes le brandissent en calicots pour clôturer l’œuvre. Saluons également le timbre clair et lumineux du ténor, et les graves bouleversants de la mezzo-soprano. Le quatuor de solistes était en parfaite symbiose.

 L’engagement des interprètes sous la direction de leur chef au geste précis, permet de magnifier la musique et de lui donner âme et densité. Souhaitons bonne continuation et succès à Beirut Chants qui, jusqu’au 23 décembre, réjouira les cœurs et consolera les âmes.

Le programme complet est ici

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