Dans l'agenda culturel la demande en mariage lyrique de la soprano Samar Salamé

2014-02-23

Les petits théâtres parisiens recèlent parfois
d’excellentes surprises : ainsi, le théâtre de la
Boutonnière, situé en plein coeur du 11e
arrondissement au fond d’une ravissante
impasse arborée totalement inattendue, a
programmé en février deux opéras comiques
d’un acte chacun. Datant de deux époques
différentes, ces pièces ont comme point
commun un sujet délicat et intemporel qui,
sous toutes les latitudes et à toutes les
époques, n’en finit pas d’agiter les esprits et
les coeurs : la demande en mariage.
Sur scène deux chanteurs, une comédienne et une pianiste. La soprano Samar
Salamé, exquise et mutine, endosse avec bonheur et naturel les deux rôles : celui
de la Serpina dans ‘Serva Padrona’ (1733) de Giovanni Battista Pergolesi (1710-
1736) et, dans un changement radical de style et d’atmosphère, celui de Lucie dans
‘Le téléphone’ (1947) de Gian Carlo Menotti (1911-2007). La présence dramatique
de Samar Salamé, qu’elle soit dans le registre comique ou tragique, alliée à la
beauté de son soprano, fait de cette chanteuse une artiste accomplie qui mérite de
fouler les planches des grandes maisons d’opéra.
A ses côtés, le baryton Olivier Dejean, doté d’un réel talent de comédien, lui donne
la réplique d’une belle voix claire à la projection puissante, tout aussi convaincante
dans le registre grave que dans l’aigu. Ils sont accompagnés par Eleonore Sandron
au piano, une musicienne raffinée qui les soutient et les porte avec une grande
subtilité, faisant totalement oublier au spectateur l’absence de l’orchestre.
La ‘Serva Padrona’ raconte l’histoire d’une servante rusée, qui à force de
manigances réussit à se faire épouser par son patron. Quant au ‘Téléphone’, il
s’agit du huis clos d’un couple dont l’homme n’arrive pas à faire sa demande en
mariage car la femme est tout le temps pendue au téléphone. La mise en scène
dépouillée et inventive de Diana Iliescu fait intervenir dans les deux oeuvres un
troisième personnage, la comédienne Emilie Pinédo, qui avec grâce et élégance
joue tantôt le faire-valoir ou bien le trouble-fête.
Ce très joli spectacle, qui plaît autant aux mélomanes qu’aux néophytes de la
musique, pourrait certainement trouver son public au Liban. La beauté des voix
des deux chanteurs, leur homogénéité dans les duos, leur diction impeccable (on
comprend chaque mot de l’intrigue, en italien sous-titré pour Pergolese et en
français pour Menotti), la mise en scène inventive et l’énergie que s’en dégage,
tout cela fait de de cette double demande en mariage un beau moment lyrique et
théâtral.
Zeina Kayali, Paris

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