Dans l'OLJ "Quand Béchara el-Khoury entend son œuvre pour la première fois..."

2018-06-20

Il est toujours émouvant de découvrir une pièce musicale aux côtés de son compositeur, qui lui-même l’entend pour la première fois. Cette émotion était palpable au théâtre Rutebeuf de Clichy où l’Orchestre des jeunes d’Île-de-France, sous la direction de David Molard, proposait le deuxième volet de la résidence de Béchara el-Khoury, après son inauguration à la Seine musicale en février dernier et avant sa clôture au palais de l’Unesco en octobre prochain.
Ce concert avait la particularité d’associer l’orchestre avec le trio Karénine (Paola Kouider, piano, Louis Rodde, violoncelle, et Fanny Robilliard, violon), un ensemble qui monte en Europe en ce moment, et dont le dernier disque donnant à entendre des œuvres de Germaine Taillefer est unanimement salué par la critique. « Ne passez pas à côté de ces jeunes musiciens », pouvait-on entendre ces jours-ci sur les ondes de France musique. Le programme était judicieusement organisé de façon à ce que chacun des trois interprètes soit valorisé individuellement et qu’ils puissent également être entendus ensemble.
Le Chant de lumière pour la Sainte Vierge pour violoncelle et orchestre de Béchara el-Khoury est une pièce lumineuse, comme son nom l’indique, mais contenant aussi sa part d’ombre, profonde et intense, irrésistible mélange que le compositeur manie si bien. Cette œuvre, écrite en hommage à Jean-Paul II, est, aux dires de l’artiste, une œuvre « méditative » dont « la structure ne respecte aucune forme classique ». Composée en 1995 et réécrite pour l’OJIF en 2017, elle se présente « plutôt comme un discours rhapsodique ». Immersion totale et immédiate dans l’œuvre du violoncelliste Louis Rodde qui sert si bien le propos, dans un mélange de jeunesse et de maturité.
Le concert se poursuit avec Tzigane de Ravel, étonnant dialogue entre le violon et l’orchestre, rehaussé par l’élégance et la finesse de l’archet de Fanny Robilliard, puis Konzertstück op. 92 de Schumann, pièce rare pour piano et orchestre, superbement interprétée par Paola Kouider.
La deuxième partie du concert est consacrée au Triple Concerto de Beethoven où le trio est réuni avec l’orchestre, constituant un grand moment symphonique autant que chambriste. Les trois instrumentistes fusionnent alors avec une poésie et un art de la couleur admirables, tandis que l’orchestre, sous la direction ferme et sensible de David Molard, oscillant entre majesté et déchaînement héroïque, donne le meilleur de lui-même.
Bel hommage de la génération montante de la musique française à un très grand compositeur libanais.

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