Dans l'agenda culturel la passion de Zeina Saleh Kayali

2013-03-06

Zeina Saleh Kayali n’a rien d’un chercheur austère, auteur d’un répertoire des compositeurs libanais des XXe et XXIe siècle, mais c’est une jeune femme active, pleine de ressources, passionnée de musique et de culture, qui se plait à Paris où elle travaille à l’Unesco en tant que chargée de mission à la délégation du Liban. Elle a le souci de faire connaitre au plus large public possible ces acteurs culturels libanais résidents en France.


Pouvez-vous nous rappeler le contenu de votre guide ‘Compositeurs libanais XXe et XXIe siècles’ ?
Cet ouvrage, paru aux Editions Séguier à Paris, est en fait un inventaire des compositeurs libanais de musique savante (musique écrite qui ne soit ni jazz ni variété). Il a pour ambition de recenser ces compositeurs au Liban et à travers le monde et de les présenter sous forme de fiches alphabétiques comprenant une biographie rédigée et la liste de leurs œuvres. Cet ouvrage n’est ni une analyse musicale ni une critique. Il se veut totalement neutre. Il suffit d’avoir écrit de la musique savante pour y figurer. Il comprend aussi un glossaire explicatif de certains termes musicaux et historiques

A qui destiniez-vous votre ouvrage ?
A toutes les personnes qui aiment la musique et à toutes celles qui aiment le Liban. Mais c’est un livre qui est surtout un outil de travail pour les musiciens. Il leur donne une vision assez précise des œuvres écrites car elles sont classées par genre (musique vocale, musique pour piano, musique de chambre, musique symphonique etc…).

Quel a été l’accueil qui lui a été réservé à deux ans après sa publication. Au Liban et l’étranger ?
Au départ je pensais que cet ouvrage n’intéresserait qu’un public assez spécialisé. Mais à ma grande surprise, il a eu un certain retentissement, car il était pionnier et a fait prendre conscience au public qu’il existait un véritable courant musical libanais et par là même une identité musicale libanaise. L’ouvrage a aussi bénéficié de l’impact que lui a donné l’Institut français du Liban en organisant une table ronde pour le présenter, et je dois ici rendre hommage à son directeur M. Aurélien Lechevallier dont le soutien constant a été un facteur essentiel pour la promotion de l’ouvrage et tout ce qui s’en est suivi.
A l’étranger, le livre a suscité l’intérêt d’un certain nombre de musiciens, notamment français qui ont découvert qu’il existait une musique savante libanaise (qu’elle soit orientale ou occidentale) digne d’être jouée. Je pense notamment à la pianiste Christine Marchais et au saxophoniste Marc Sieffert qui ont enregistré un disque intitulé 'La sève du cèdre' composé de 14 pièces totalement inédites de musique libanaise.

Le Centre du patrimoine musical est-il la concrétisation de votre démarche, et est-ce à lui de prendre la suite ?
Oui, en effet. Le Centre du patrimoine musical libanais (CPML) est un centre d’archives et de documentation situé au Collège Notre Dame de Jamhour et parrainé par Gabriel Yared. Il est l’écrin qui collecte, rassemble et conserve tout ce qui concerne les compositeurs et les interprètes libanais : partitions, enregistrements, films, photos, lettres, programmes de concerts, décorations…
Ce centre a pu voir le jour en un temps record (moins d’un an après la sortie de l’ouvrage) grâce aux efforts conjugués de trois personnes clefs : le RP Bruno Sion, Recteur du Collège Notre Dame de Jamhour qui a proposé que le Collège abrite le CPML, Mme Joumana Hobeika qui par son extraordinaire sens de l’organisation et de la logistique l’a mis pratiquement et effectivement sur pied et M. Robert Matta qui en est le mécène et dont la générosité a rendu le rêve possible.

Quelle a été la réaction des compositeurs à la création de ce centre ?
Une réaction extrêmement enthousiaste. Ils se sont sentis reconnus et appréciés et ils ont réalisé que le CPML était un lieu de valorisation du patrimoine musical libanais. Nous avons reçu un grand nombre d’archives et de documentation de musiciens tels que Toufic El Bacha, Boghos Gelalian, Georges Baz, Toufic Succar, les frères Rahbani, Bechara El Khoury, Zad Moultaka, Naji Hakim, Karim Haddad, Walid Akl, Georges Farah, Gabriel Yared et j’en passe ! Nous avons été aussi contactés par un réalisateur libanais vivant en France, Jacques Debs, dont les films passent régulièrement sur Arte, qui lui-même travaille beaucoup avec des compositeurs et qui souhaite nous confier ses archives !

Les flâneries musicales sont-elles l’unique activité grand public du centre pour vivifier notre patrimoine musical ?
Pour sa première année d’existence, le CPML a choisi de faire connaître le patrimoine musical libanais par le biais des flâneries. Ce sont des concerts à thème, présentés et expliqués et qui mettent en lumière tel ou tel style de musique libanaise. Mais même hors CPML, une certaine dynamique a été enclenchée et l’Orchestre philarmonique libanais, sous la direction de Maestro Harout Fazlian a systématiquement mis au programme de ses concerts du vendredi soir des compositeurs libanais.

Durant ces deux années, et comme il est normal, avez-vous découvert d’autres compositeurs non répertoriés dans la première version de votre ouvrage ?
Oui et je me suis même mise à dos certains compositeurs qui estimaient devoir figurer dans cet ouvrage et dont je n’avais hélas pas entendu parler ! Le travail de 'traquage' des compositeurs libanais à travers le monde a duré 5 ans, mais on ne peut jamais être exhaustif à cent pour cent !

Comment comptez-vous mettre à jour votre guide ?
Je suis en train de travailler à un nouvel ouvrage qui n’aura pas la même forme mais où il sera question bien sûr de musique et de Liban !

Votre guide qui se veut exhaustif n’a pas une fonction de critique, mais pour le grand public y a-t-il des ouvrages qui ‘classifient’ nos 153 compositeurs ?
Il y a bien évidemment des compositeurs qui ont plus de notoriété que d’autres et qui sont joués par des grandes formations internationales. Je citerai Bechara El Khoury à la tête d’une œuvre symphonique immense, qui est régulièrement interprété par l’Orchestre national de France et dont les œuvres sont créées aux quatre coins du monde. Il y a aussi bien sûr Gabriel Yared, mondialement connu pour ses musiques de films et ses musiques de scènes, Karim Haddad qui à l’IRCAM à Paris, est l’un des grands initiateurs de la CAO (composition assistée par ordinateur), aujourd’hui une matière musicale à part entière, Naji Hakim dont les œuvres pour orgue et les oratorios sont extrêmement appréciés en Europe du Nord et en Scandinavie, Zad Moultaka qui a réinventé la musique arabe contemporaine, Houtaf Khoury, Violaine Prince, Bushra El Turk, Abdalla EL-Masri, Charbel Rouhana, Marcel Khalifé et ses deux fils Rami et Bachar…
Il y a aussi bien sûr des compositeurs plus modestes et qui n’ont pas la chance d’être interprétés à une grande échelle et cet ouvrage a aussi pour ambition d’essayer de les faire connaître.

Parlez-nous de votre parcours personnel, académique et professionnel.
Aussi loin que je m’en souvienne la musique a été présente dans ma vie. Elle seule console de l’inconsolable et ne déçoit jamais ! Je chante depuis l’enfance dans des chorales et des ensembles vocaux, dont j’ai été aussi parfois l’administratrice. Diplômée de droit de l’Université Saint-Joseph, je fais partie de l’équipe de la Délégation du Liban auprès de l’Unesco à Paris dont l’ambassadeur actuel est Son Excellence le Professeur Khalil Karam.

Comment se porte culturellement la communauté libanaise à Paris ?
Elle se porte comme un charme ! Un grand nombre d’artistes libanais vivent à Paris ou y défilent, s’y produisant régulièrement. Et ici je voudrais rendre hommage à l’immense travail accompli par Bahjat Rizk, attaché culturel à la Délégation du Liban auprès de l’Unesco. Outre son statut d’écrivain et d’intellectuel, il centralise avec un brio et une patience extraordinaires les activités culturelles des associations libanaises, les aidant à mettre en place concerts, conférences, expositions, encourageant les artistes, les mettant en contact les uns avec les autres, leur faisant bénéficier de son carnet d’adresse et accomplissant ainsi une tâche précieuse et indispensable, bien que parfois ingrate, de ‘passeur’ de la culture libanaise en France.


.: ‘Compositeurs libanais au XX et XXI siècles’, Vincent Rouques, Zeina Saleh Kayali, ed. : Seguier, parution : 2011

Commentaires ( 4 )


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Naoum - 10.03.2013
Zeina D'abord une passion pour la musique, après, cette volonté de vouloir nous présenter et de nous parler des talents libanais. Un ouvrage enrichissant. Votre mission est nécéssaire dire indispensable pour le peuple libanais. Quand à Bahjat Rizk, n'en parlont pas, ce qu'il fait à Paris en nous aidant tous avec ses conseils , son dynamisme et sa bonne foi. Naoum
Carine - 07.03.2013
Zeina , merci pour tout effort consacré à la musique et à la culture Libanaise; tout mes respects et appréciations. Courage Carine
Roger - 07.03.2013
Bravo Madame Saleh, Quel talent. Fiers des membres de notre Délégation

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