Dans l'Agenda Culturel EBLOUISSANTE SAINTE CÉCILE

2022-06-11

Zeina Saleh Kayali
Faire de la musique aujourd’hui au Liban tient de l’héroïsme. Et cet héroïsme, cette extraordinaire énergie, ce souffle, Yasmina Sabbah n’en manque pas. Elle arrive, régulièrement, quelles que soient les circonstances, à monter, avec le chœur de l’USJ et l’orchestre Philharmonique du Liban, des programmes musicaux d’une grande exigence. C’était encore le cas vendredi soir avec la Missa Cellensis dite Missa Sanctae Caecilia de Joseph Haydn (1732-1809) où la cheffe et les deux formations, vocale et instrumentale, étaient accompagnées par un remarquable quatuor de solistes, Paula Jeckstadt, soprano, Sofia Pavone, alto, Haitham Haidar, ténor et Simon Duus, basse.
Si les messes représentent la part la plus profondément inspirée de l’œuvre de Haydn, la Missa Sanctae Caeciliae est de loin la plus originale, la plus fougueuse, la plus démesurée de toutes. En 1766 le compositeur a 34 ans. Il s’agit de l’une des plus importantes dates de sa vie : il est nommé Maître de Chapelle du prince Esterhazy au service duquel il demeurera durant toute sa carrière. A peine entré en fonction, sa première décision est de composer la Missa Sanctae Caeciliae, la plus vaste et décoiffante de toutes ses messes, où il veut prouver tout ce dont son génie est capable. Il prend soin de diversifier son langage musical tout en restant au plus près de l’ordinaire de la messe. Les lignes mélodiques correspondent à une dynamique qui s’intensifie au fur et à mesure que se déroule l’œuvre : ardeur des tempi, rayonnement des parties chorales, vivacité des mouvements fugués, technique de l’opéra avec l’alternance des airs et des récitatifs.



Chœur et orchestre aux sonorités opulentes, ne font qu’un sous la lumineuse direction de Yasmina Sabbah. Cette œuvre nécessite un engagement total et subtil. L'interprétation traduit le texte de manière naturelle et sert ainsi le caractère théâtral de cette musique à la fois pure et sophistiquée. Par moments, une rare intensité et soudain une envolée extraordinaire. Charisme des solistes qui sont émouvants avec ce qu’il faut d’emportement expressif et chœur qui marie en juste adéquation les moments doux et forts. L’orchestre resplendit de couleurs sous la menée extrêmement précise de la cheffe. De part en part, l’oreille est séduite par la qualité de la réalisation, tant en ce qui concerne l’intonation que la souplesse de la phrase, l’équilibre entre les lignes et le relief apporté au texte musical, le tout dans un sentiment général porté de l’intérieur par l’exaltation. Public attentivement concentré dans l’écoute, avant une fin d’applaudissements sans fins. Et tellement mérités.

Partager