Le Requiem de Violaine Prince joué à Paris

2014-11-20

Jeudi 20 Novembre 2014
Culture
Le « Requiem » de Violaine Prince joué à Paris

Roula Safar et Roberto Poma interprétant le psaume 42.
Le « Requiem » de la compositrice Violaine Prince a été joué à deux reprises à Paris, dans le cadre du Cycle des manifestations sur « La Grande guerre et le Liban ».
Zeina SALEH KAYALI | OLJ
La manifestation était organisée par l'Association des amis de la Bibliothèque orientale de Beyrouth (AABOB) et a obtenu le label de la Mission du centenaire.
C'est au Reid Hall, au cœur du quartier de Montparnasse, salle à l'atmosphère feutrée dont les boiseries rendent une excellente acoustique, que cette œuvre grandiose a été donnée par le Chœur symphonique de Montpellier sous la direction de Vincent Recolin, que nous avions présenté dans ces mêmes colonnes (voir L'Orient-Le Jour du 7 avril, l'article d'Edgar Davidian). La veille, le même concert s'était déroulé à l'Oratoire du Louvre.
En première partie, deux psaumes mis en musique par Violaine Prince sont interprétés par Roula Safar, mezzo-soprano au timbre chaud, rond et velouté. Le psaume 92, Le Juste est comme le palmier, qu'elle accompagne elle-même à la guitare, et le psaume 42, Dieu est ma forteresse, pour lequel elle est rejointe par le ténor Roberto Poma et le pianiste et compositeur Georges Daccache.
Puis arrive le chœur, belle formation d'une quarantaine de choristes venus spécialement de Montpellier, accompagnés par Anne Svetoslavsky au piano, qui interprètent une œuvre rare du répertoire, Gallia, de Charles Gounod (1818-1893). Cette œuvre, dont le texte s'inspire du Livre des lamentations, décrit la désolation de Jérusalem puis, dans le solo de la soprano (Isabelle Cazorla), l'impiété de la ville ravagée et, enfin, la supplique à Dieu, dans un grand mouvement où soliste et choristes se retrouvent.
Et enfin, le Requiem. Ce concert «étant dédié à tous les défunts de guerres», l'œuvre se situe dans la tradition des grandes pièces du répertoire consacrées aux victimes des conflits, tels A War Requiem, de Benjamin Britten, Cyprès et lauriers de Camille Saint-Saëns ou encore Prière fraternelle pour les morts d'Alexandre Kastalski.
Le chœur et la pianiste ont été rejoints par un effectif instrumental composé de Séverine Joly au violon, Emmanuel Secq aux flûtes et Laurent Sauron aux percussions.
Œuvre très rythmique et, paradoxalement, par moment joyeuse voire allègre, le Requiem, bien que construit et structuré de façon strictement occidentale, fait de nombreuses incursions dans la musique orientale, avec des réminiscences de liturgies byzantine et syriaque, notamment dans le Kyrie qui se présente comme un dialogue entre la soliste et la flûte à la manière du nay. En effet, Violaine Prince a été nourrie de ces musiques liturgiques libanaises qui inspirent toute son œuvre et, pour elle, musique et foi sont très intimement liées, voire carrément indissociables.
La compositrice parle des neuf mouvements qui constituent le Requiem comme d'un ensemble qui répond à la manière dont l'on ouvre et ferme une parenthèse: «Le 1er mouvement, l'Introit, qui est lent et grave, trouve son aboutissement dans le 9e mouvement, In paradisum, qui est jubilatoire. Au 2e mouvement, Kyrie, en grec, répond le 8e mouvement, Agnus Dei, en latin. Le 3e mouvement, Dies Irae, plein de colère, se conclut au 7e mouvement, par le Sanctus, la Bénédiction. Au 4e mouvement, Recordare, où l'âme a peur, correspond le 6e mouvement avec l'offertoire, l'offrande. Le 5e mouvement, lui, est double. Il se répond à lui-même, il s'agit du Libera me, l'instant le plus émouvant de l'œuvre. Il introduit le sujet et le conclut.» Les deux solistes, Isabelle Cazorla (soprano) et Lise-Eleonore Ravot (alto), représentent l'âme du mort et l'ange intercesseur, et le chœur représente les êtres humains.
Le public adhère totalement au discours musical de Violaine Prince, et une standing ovation accueille les dernières mesures de l'œuvre. Belle image du Liban donnée à la France, tant il est vrai que le patrimoine musical libanais, dans sa beauté, sa diversité et sa multiplicité, est à même de constituer une vitrine valorisante de notre pays.

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