Dans l'Orient le Jour, "Traverser", une création mondiale de Zad Moultaka au Festival d'Ile de France

2015-10-15

« Traverser, ou la passion d'Adonis », du compositeur libanais Zad
Moultaka, a été présenté ce week-end en première mondiale dans le cadre du
Festival d'Île-de-France, à Vincennes.




Zeina SALEH KAYALI (de Paris) | OLJ
12/10/2015







Le Festival d'Île-de-France n'est jamais à court d'idées originales. Important commanditaire de
musique contemporaine, il est toujours à la recherche et en exploration de rencontres nouvelles et
de créations musicales.
« Traverser, ou la passion d'Adonis », du compositeur libanais Zad Moultaka, au cœur de sa
programmation de 2015, était présenté en première mondiale à l'auditorium Jean-Pierre Miquel à
Vincennes.

Guidé par la poésie d'Adonis qui en est le fil conducteur, Zad Moultaka crée, autour ce cette
parole si puissante, un écrin composé d'une bande son faite de fragments de ses musiques (Azan,
Zikr, etc). D'entrée de jeu, le spectateur est pris à la gorge, plongé dans une forme de stupeur
léthargique dont il ne sortira qu'à la fin du spectacle, tant il se dégage de force et de violence
de cette œuvre. Adonis lui-même, d'une voix profonde et spectrale, en est le récitant et déclame
ses propres vers alors que les sons se déploient parallèlement à la poésie. Est-ce le texte qui
porte la musique ou la musique qui porte le texte ? Nul ne saurait le dire tant l'intimité entre
les deux est inextricable.

Le texte est d'une violence extrême. Il y est question de guerres entre Arabes et Byzantins, de
décapitations, de crucifixions, de sang, d'horreurs anciennes mais pourtant si actuelles et, avec
une régularité effrayante, un glas sinistre ponctue la parole du poète, implacablement scandé par
le talentueux percussionniste Claudio Bettinelli. Soudain, une plainte poignante s'élève, déchirant
les airs. C'est celle de la soprano Amel Brahim Djelloul qui, d'une voix cristalline, invoque,
implore et supplie, accompagnée au oud par
Youssef Zayed et au violon par Rachid Brahim Djelloul.

Après ce chaos littéraire et musical qui s'est déroulé dans la pénombre et qui a glacé le sang du
spectateur rivé à son fauteuil, soudain tout s'éclaire et s'apaise. Le quatuor, composé du oud, du
violon du daff et de la voix, se retrouve alors en pleine lumière, et interprète une série de
Mouachahat andalous symbolisant ainsi l'âge d'or de la civilisation arabe.

Pour Zad Moultaka, le rôle de l'artiste en général « est d'apporter un regard et un éclairage neufs
sur le monde, le questionnant constamment, le torturant même afin de trouver un chemin possible
pour ce laps de temps que nous avons à traverser ». Le compositeur pense qu'il « est impossible
d'apporter ce regard avec des outils anciens même si la modernité peut et doit se nourrir de
l'énergie du passé, elle ne doit jamais s'y complaire et encore moins épouser ses outils ».

Pari réussi pour un créateur en pleine possession de ses moyens artistiques et dont le
questionnement du langage musical ne cesse d'évoluer et de s'affirmer, lui donnant une notoriété de
plus en plus importante dans les cercles musicaux occidentaux.

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