Dans l'OLJ « Votre fils sera un compositeur comme il n’en existe pas cinq au Liban »

2018-01-19

Saviez-vous qu’à Helsinki, en Finlande, s’est tenu il y a quelques années un Festival international Naji Hakim ? Car le compositeur et organiste libanais (naturalisé français) est une star en Europe du Nord, où la tradition organistique est très présente, et où il est régulièrement invité à se produire et à faire présenter son œuvre. Citons, parmi d’autres exemples, en 2000, un concert inoubliable à la Cathédrale de Cologne, en Allemagne, devant 5 000 personnes en délire, et la même année, la création du Seattle Concerto aux États-Unis, qui s’est clôturé dans une phénoménale « jumping ovation » !

Mais revenons quelques années en arrière. À l’âge de cinq ans, Naji Hakim reçoit son premier choc musical. Alors qu’il entre pour la première fois dans la chapelle du Sacré-Cœur de Beyrouth où retentit l’orgue majestueux, il se sent envahi par une intense émotion qui le marque à tout jamais. C’est ainsi que naît sa passion pour l’orgue, passion qui, chevillée au corps et au cœur, ne le quittera plus jamais. Mais accéder à l’instrument, perché tout là-haut, n’est pas chose aisée pour un si jeune garçon. C’est au terme d’une longue bataille qui durera plusieurs années et grâce à l’intervention de son frère aîné Amine et d’un religieux tchécoslovaque, mélomane et compréhensif, qu’il est enfin autorisé à se rendre librement dans la tribune.

Entre-temps, les parents de Naji Hakim l’inscrivent au Conservatoire de Beyrouth en classe de piano. L’institution est alors dirigée par Toufic Succar et ce grand musicien (récemment disparu) entend un jour son jeune élève improviser des variations sur le thème du God Save the Queen. Fasciné, il dit à la maman de Naji : « Votre fils sera un compositeur comme il n’en existe pas cinq au Liban. » Parole ô combien prémonitoire puisque aujourd’hui Naji Hakim est un compositeur de renommée internationale, dont les œuvres sont jouées partout dans le monde.



(Lire aussi : Paul Tyan : « Ce qui compte le plus pour moi, c’est de réussir à faire rêver » )



Sept premiers prix
En 1975, le Liban plonge dans une guerre meurtrière qui va durer quinze ans et provoquer l’exil massif de ses forces vives. Comme beaucoup de ses compatriotes, Naji Hakim quitte son pays pour la France et achève ses études d’ingénieur à l’École supérieure des télécommunications de Paris. Mais là n’est pas sa vraie voie, il s’ennuie. C’est la musique qui le taraude, c’est elle qui le fait vibrer et, après un parcours semé d’embûches, le jeune homme réussit le redoutable concours d’entrée au Conservatoire supérieur national de musique de Paris. Il en sortira couvert de gloire et de sept premiers prix ! Orgue, contrepoint, improvisation, harmonie, instrumentation et orchestration, fugue et analyse.

Commence alors la fulgurante carrière de Naji Hakim. Organiste titulaire de la basilique du Sacré-Cœur à Paris puis de l’église de la Trinité (où il succède à Olivier Messiaen), il devient une référence absolue pour les organistes du monde entier qui font le voyage parfois des confins du monde (Japon, Corée, États-Unis), jusqu’à Paris, pour venir l’écouter jouer et improviser à la tribune de la Trinité. Il développe en parallèle une riche activité de compositeur et son catalogue varié compte des œuvres pour orgue bien sûr, mais aussi des pièces symphoniques, concertantes, vocales, pour instruments seuls et de la musique de chambre.

Naji Hakim est en outre un grand pédagogue et sa classe d’analyse au Conservatoire national de la région de Boulogne-Billancourt, près de Paris, est l’une des plus prisées de France. Il suffit d’interroger ses anciens élèves (dont certains sont devenus d’illustres musiciens) pour réaliser à quel point ils ont été marqués par son enseignement et par son humilité.



(Pour mémoire : Fanny Clamagirand fait chanter les cordes)



Aujourd’hui, Naji Hakim revient vers ce qu’il appelle sa « patrie sacrée », le Liban, avec une « casquette » supplémentaire, celle de chef d’orchestre. En effet, grâce à la fructueuse collaboration du Centre du patrimoine musical libanais (CPML) et du Conservatoire supérieur national du Liban, l’Orchestre philharmonique du Liban consacre un concert entier à son répertoire symphonique et concertant, le vendredi 26 janvier à 20h30 à l’église Saint-Joseph, Monnot.

Une rencontre au sommet de la musique, qu’il convient de ne pas manquer et qui donnera à entendre un florilège de pièces aussi variées qu’émouvantes : l’Ouverture libanaise (qui est bâtie sur les grands thèmes de la musique libanaise), Sinbad, fantaisie sur des chansons populaires omanaises, inspirée du folklore omanais (en création mondiale), le Concerto n°1 pour violon, conçu comme un ballet imaginaire en trois actes, joie rayonnante, béatitude et feu flamboyant (avec en soliste le jeune et talentueux Mario Rahi) et, pour finir, Trois danses basques qui rendent hommage aux origines de l’épouse du compositeur, Marie-Bernadette Dufourcet (elle-même grande organiste et improvisatrice), ainsi qu’à ses deux enfants Katia-Sofia et Jean-Paul. Naji Hakim sera au pupitre car, finalement, qui mieux que lui peut connaître sa musique et savoir comment il voudrait l’entendre sonner ?

Mais ce n’est pas tout, car les mélomanes libanais pourront également écouter, quelques jours plus tôt et en première (le mardi 23 janvier à 20h à l’auditorium Aboukhater de l’USJ, rue de Damas) un quintette à vent, le Beirut Philharmonic Wind Quintet – Ana Suhaila, flûte, Oleg Balanuta, hautbois, Octavian Gheorghiu, clarinette, Albert Mircea Moisi, basson, Gabriel Mihaita Raileanu, cor – qui interprétera la Suite française de Naji Hakim.
Fleuron du patrimoine musical libanais, Naji Hakim fait partie de ces artistes qui, tout en restant fidèles à leurs origines, s’affranchissent, pour rayonner et porter haut les couleurs de leur patrie à travers le monde.
– Mardi 23 janvier à 20h à l’auditorium Aboukhater de l’USJ, rue de Damas.
– Vendredi 26 janvier à 20h30 à l’église Saint-Joseph, Monnot.

Dates jalons
1955
Naissance à Beyrouth.
1975
Départ pour la France.
1980
Mariage avec l’organiste et musicologue Marie-Bernadette Dufourcet.
1985-1993
Organiste titulaire à la basilique du Sacré-Cœur à Paris
1993-2008
Organiste titulaire à l’église de la Trinité à Paris.

Partager