Dans l'Agenda culturel " Une semaine avec Naji Hakim à Beyrouth"

2018-01-31

Les mélomanes libanais étaient gâtés la semaine dernière car il leur a été donné d’entendre à deux reprises la musique de leur compatriote, le grand compositeur Naji Hakim : Tout d’abord à l’auditorium Abou Khater de l’Université Saint Joseph dans un programme totalement inédit de musique de chambre, puis à l’église Saint Joseph dans un programme symphonique et concertant sous la direction du compositeur.

Le quintette à vent de Beyrouth, donnait là son premier concert en formation constituée. Et pour un coup d’essai ce fut un coup de maître. Cinq excellents musiciens, chambristes accomplis, Anna Suhaila Haboud, flûte, Oleg Balanuta, hautbois, OctavianGheorghiu, clarinette, Mircea Albert Moisi, basson et Gabriel Raileanu, cor, offraient une heure de musique (presque) entièrement consacrée à Naji Hakim. Le récital s’ouvre sur une pièce du compositeur roumain Vasile Jianu (1904-1968), ‘Suite dans un style classique’ et d’emblée, l’auditeur peut apprécier l’homogénéité de l’ensemble et son identité sonore déjà bien affirmée. Puis s’enchainent deux pièces de Naji Hakim, ‘Carnaval’, bâtie sur une danse basque et dont le tempo rapide est superbement mis en valeur par la précision des interprètes, etSuite française, hommage à la patrie d'adoption du compositeur. Cette oeuvre en douze mouvements brefs, clin d'œil à la musiqueGrand Siècle, se termine par une étincelante variation sur le thème de la comptine ‘Bon voyage, Monsieur Dumollet’. Le concert se clôtbrillamment avec le radieux ‘Rondo pout piano et quintette à vent ‘où le public a la joie de voir le compositeur lui-même s’installer au piano et dialoguer, dans une évidente complicité, avec les autres instrumentistes.

Quelques jours plus tard, dans la majestueuse église Saint Joseph, c’est tout l’Orchestre philharmonique du Liban, au meilleur de sa forme, qui officiait sous la baguette de Naji Hakim. L’’Ouverture libanaise’, construite sur des thèmes populaires libanais auxquels le compositeur apporte des variations et ‘Sindbad’, fantaisie sur des chansons populaires omanaises, en création mondiale, donnent le ton du concert : C’est une musique qui rend heureux. Puis vient le ‘Concerto pour violon et ensemble à cordes’ en trois mouvements avec en soliste Mario Rahi, merveilleux interprète libanais formé dans les plus grandes académies musicales en Italie. Sensibilité, virtuosité, sonorité lancinante et déchirante dans l’andante, dialogue intense avec l’orchestre qui constitue pour lui un magnifique écrin, bref une extraordinaire révélation qu’il convient de garder à l’œil (et à l’oreille !). Le point final du concert est étourdissant : ‘Trois danses basques’, en hommage aux origines de l’épouse de Naji Hakim, Marie-Bernadette Dufourcet, elle-même célèbre organiste, et à ses enfants Katia-Sofia et Jean-Paul. Majesté, danse de l’épée, Fandango festif, voici comment se conclut ce moment musical rare qu’il ne fallait manquer sous aucun prétexte.

Grâce soit rendue au Conservatoire national qui, tout le long de la saison, offre chaque semaine deux ou trois concerts de très haute qualité, ainsi qu’au Centre du Patrimoine musical libanais (CPML) qui, grâce à ses deux mécènes, la banque BEMO et la Fondation RAM, peut faire régulièrement programmer de la musique savante libanaise, chose qui semblait totalement surréaliste il y a quelques années.
Zeina Saleh Kayali

[Photo : ©Hadi Jbeily]

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