Dans l'OLJ "Michel Legrand restera à jamais dans les moulins de nos cœurs

2019-01-28

DISPARITION
Le compositeur et pianiste français s’est éteint samedi a l’age de 86 ans.
Zeina SALEH KAYALI | OLJ
28/01/2019

Le compositeur et pianiste français Michel Legrand, mondialement connu pour ses thèmes immortels et sa collaboration avec de nombreux cinéastes, notamment Jacques Demy, s’est éteint, samedi 26 janvier 2019 à Paris, à l’âge de 86 ans, laissant une oeuvre musicale immense et éclectique.
Qui n’a pas pleuré toutes les larmes de son corps quand, dans Les parapluies de Cherbourg, Geneviève et Guy se séparent au son déchirant des violons, avec ces mots que chacun de nous, sans doute, a dits un jour : « Mais je ne pourrai jamais vivre sans toi »… Qui n’a pas sautillé joyeusement avec les deux soeurs jumelles « nées sous le signe des Gémeaux », délicieuses Demoiselles de Rochefort ? Qui n’a pas voulu essayer la recette du cake d’amour de Peau d’âne et qui n’a pas senti, à un moment de sa vie, tournoyer Les moulins de son coeur ? Autant de repères musicaux, cinématographiques et culturels qui ont jalonné nos vies, traversé des générations ; autant de mélodies éternelles gravées dans notre inconscient et qui ont largement contribué à faire entrer la musique dans le quotidien de chacun.
Mais Michel Legrand n’était pas seulement un compositeur au style immédiatement reconnaissable, un mélodiste qui avait le secret des thèmes qui, une fois fredonnés, ne nous quittent plus. C’était aussi un orchestrateur qui savait faire dialoguer les instruments entre eux avec un mélange de subtilité et de panache. Il est vrai qu’il avait reçu une formation musicale classique solide au Conservatoire de Paris, notamment dans la classe de composition de la mythique et féroce Nadia Boulanger, qui était réputée pour sa dureté et sa compétence, et qui avait formé (à la trique !) plusieurs générations de compositeurs français.
Jazz et Byblos
Osant le mélange des genres et passant d’un style à l’autre avec un bonheur manifeste, Michel Legrand refusait la hiérarchie entre les genres et traversait les frontières musicales avec le naturel qui sied aux grands. Il pouvait naviguer du lyrique au contrepoint, maniant parfaitement l’art de la fugue (hommage à Jean-Sébastien Bach dans Peau d’âne), ou aller vers la chanson toute simple, avec toujours un grand sens du texte et de la prosodie. Mais la grande affaire de sa vie, c’était le jazz. Composante fort importante du langage musical de Michel Legrand, le jazz a toujours été présent, pour ne pas dire omniprésent, dans l’oeuvre de l’artiste qui en avait été très imprégné dès 1947. Il avait travaillé de longues années aux côtés du trompettiste Dizzie Gillepsie et du pianiste Oscar Peterson dont il disait que c’était « une école formidable ». Les festivaliers libanais se souviendront longtemps de son duo de piano au sommet du mont jazz avec Chucho Valdes, un certain 28 juillet 2008, dans le cadre du Festival international de Byblos.
Autre facette de son talent aux multiples visages : l’improvisation, que Michel Legrand considérait comme de la « composition en direct » et qui tenait une grande place dans son processus créatif. Il pouvait partir dans de grandes envolées totalement
ébouriffantes pour revenir aussitôt vers quelques petites notes égrenées, emportant avec lui un auditeur tout aussi ébahi qu’heureux d’être ainsi ballotté.
Trois fois oscarisé, pour L’Affaire Thomas Crown, Un été 42 et Yentl, Michel Legrand avait un grand détachement par rapport aux distinctions et récompenses dont il disait : « C’est juste un morceau de sucre, une caresse, on n’écrit pas mieux après. » Pour lui, l’important était d’avancer, encore et toujours. Et il avançait, Michel Legrand... Ces dernières années l’avaient vu en pianiste aux côtés de la soprano Nathalie Dessaye, revisitant tous ses grands standards, mais aussi en compositeur d’un genre plus classique de deux concertos, l’un pour piano et l’autre pour violoncelle, dont les enregistrements étaient sortis début 2018. Il avait prévu de donner une série de concerts à Paris au mois d’avril prochain, mais la mort, encore une fois, a été plus rapide.

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