Zeina Saleh Kayali
Tous les mois Zeina Saleh Kayali, fondatrice et directrice de la collection Figures musicales du Liban aux Editions Geuthner, fait pour l’Agenda culturel le portrait d’un compositeur libanais. Qu’ils soient décédés en ayant jeté les bases de la musique savante libanaise, qu’ils soient vivants au Liban ou à l’étranger, ces créateurs souvent méconnus, portent haut les couleurs de notre cher petit pays par le biais de leurs musiques et méritent, pour le moins, un coup de projecteur.
Dès son plus jeune âge, Boghos Gélalian est attiré par la musique. Alors qu’il n’a que cinq ans, il s’amuse avec un petit harmonium à l’église des pères Carmes à Alexandrette et le père supérieur, l’entendant et réalisant que cet enfant est extrêmement doué, lui propose de lui donner des cours de musique. Il est vrai que le père de Boghos est flûtiste et qu’il a offert un harmonica à son fils qui s’amuse follement avec l’instrument. Quand en 1939, le sandjak d’Alexandrette passe à la Turquie, la famille Gélalian déménage au Liban, Tripoli puis Beyrouth. Entretemps, Boghos est devenu un excellent organiste et la fréquentation des grands maitres de la polyphonie le conduit naturellement vers la composition.
Comme un grand nombre de compositeurs libanais (Toufic Succar, Georges Baz, Gabriel Yared, les frères Rahbani etc), Boghos Gélalian va suivre l’enseignement de l’éminent Bertrand Robilliard, organiste de l’église de l’Université Saint Joseph et grand théroricien de la musique. Dans un Beyrouth bouillonnant de culture, Boghos Gélalian fait également la connaissance du Baron Belling, ancien chef d’orchestre de la cour impériale des Tsars. Le contact avec ces deux cultures musicales si différentes lui ouvre un horizon nouveau et influence son style qui en constitue une synthèse. Le langage musical de Boghos Gélalian est proche de l’Ecole française, mâtiné d’une sensibilité orientale où ses racines arméniennes sont également très présentes. L’œuvre de Gélalian est le reflet de sa personnalité : modeste, subtile et concise. Il considérait que « les grandes symphonies sont le fruit d’une mégalomanie démesurée ». « Pour bien écrire pour l’orchestre, il faut essayer de bien connaître les instruments » aimait-il à dire et il définissait lui-même sa musique comme « une musique savante très rythmée basée sur le folklore arménien ».
Boghos Gélalian aimait tous les styles de musique et ne méprisait absolument pas ce que l’on pourrait appeler la musique légère ou la variété. Il pouvait passer sans transition d’une chanson d’Aznavour à une sonate de Beethoven ou une dabké des Rahbani. Il considérait que toute musique est valable pourvu qu’elle soit sincère.
Excellent orchestrateur, Boghos Gélalian a fait les beaux soirs du Festival International de Baalbeck et, dans les années 1960, les opérettes des Frères Rahbani ont souvent bénéficié de sa profonde connaissance de la musique et des instruments. Comme tous les grands, Boghos Gélalian était très soucieux de la transmission et combien de jeunes musiciens ont suivi son enseignement, tant comme pianistes que comme compositeurs ou orchestrateurs. Il les aimait comme ses propres enfants et leur donnait le meilleur de lui-même. Certains d’entre eux, comme Khaled Mouzannar, ont poursuivi de belles carrières musicales.
Le catalogue de Boghos Gélalian est majoritairement consacré au piano et à la musique de chambre. Mais on y trouve également des œuvres pour orgue, flûte, violon, violoncelle, voix, cor anglais, mais aussi les Sept séquences pour orchestre.