Zeina Saleh Kayali
A la tête du chœur de l’Université Saint Joseph, Yasmina Sabbah interprète le Requiem de Mozart le dimanche 26 juillet en l’église Saint Joseph de Beyrouth. Les recettes de ce concert iront à la Lebanese food bank et au CJC. La jeune cheffe de chœur en dit plus à l’Agenda Culturel.
Ce concert est intitulé There will ALWAYS be light. Quelle en est la genèse ?
Le but de ce concert est d'affirmer notre solidarité, prier pour notre pays et aider activement nos compatriotes dans la détresse en collectant des fonds à travers la musique.
Qu’est ce qui a motivé votre choix du Requiem de Mozart ?
Le Requiem de Mozart est une des pièces maîtresses du répertoire pour chœur ! Bien que Mozart, emporté trop tôt par la maladie, n'ait pu terminer son Requiem, sa musique a perduré malgré (ou peut-être à cause) de tout le mystère qui plane autour de son achèvement. L'interprétation de cette œuvre immortelle, qui a traversé les siècles et conquis le monde entier par sa beauté, vise à nous rappeler que nous sommes capables de traverser ces temps difficiles, tous ensemble. L'œuvre se termine par les mots "Lumière éternelle" : ils nous disent de ne pas oublier qu'une aide nous attend toujours au bout du tunnel, si sombre qu'il puisse être. En ces jours si pénibles, gardons intacte notre espérance et ayons foi dans la générosité des personnes et le pouvoir de la musique.
C’est une version spécifique du Requiem que vous allez interpréter ?
Oui. Le Comte Franz Von Wallsegg avait commandé cette œuvre au compositeur. Mais il désirait la faire jouer, comme étant sa propre composition, pour honorer la mémoire de son épouse décédée. Mais Mozart mourut avant de l'avoir terminée. Sa veuve, Constanze, décida secrètement de faire achever le Requiem afin de le présenter comme la composition complète de Mozart et de recevoir ainsi le montant des honoraires qui lui étaient dus. Quatre amis musiciens et élèves de Mozart contribuèrent à la finition hâtive de l'œuvre. En fait, plusieurs parties du Requiem furent entièrement le fruit du travail de Süssmayr, version qui a traversé plus de deux siècles!
Cependant cette dernière version reçut d'abondantes critiques sur la maladresse dans l’écriture : erreurs d'harmonie, orchestration lourde et trop dense, en contradiction avec les règles pratiquées dans la musique religieuse du XVIIIème siècle.
Au XXème siècle, nombre de musiciens ont tenté de remplacer les passages peu satisfaisants de Süssmayr par une musique plus conforme au langage de Mozart. Robert D. Levin fait partie de ces érudits. Nous interprétons sa version dans ce concert.
Quelle est la particularité de la version de Levin ?
Elle date de 1996 et associe deux éléments : la dépendance à la tradition du travail de Sûssmayr, d'une part et, de l'autre les enseignements de la culture musicale la plus récente. Levin a dit qu'il voulait apporter le moins de corrections possibles. Il règle les problèmes de l'orchestration en clarifiant la texture excessivement dense de Süssmayr. L'orchestration plus légère et transparente de Levin met en valeur l'expression des voix. La partie la plus intéressante de cette version concerne la nouvelle fugue du "Amen" que Levin a composée dans son intégralité comme conclusion au "Lacrimosa". Levin a également développé et rallongé la fugue du « Hosanna » dans le numéro du "Sanctus".
Qui sont les autres protagonistes de ce concert ?
A part le chœur de l’USJ (fondé en 2015 par le père Selim Daccache) qui compte plus de 70 membres et qui en moins de cinq ans a rapidement gagné sa place parmi les principaux chœurs du pays, il y aura un orchestre composé de membres de l’Orchestre philharmonique du Liban et de l’Orchestre des Jeunesses musicales du Liban. Nous avons également quatre solistes Marie-Josée Matar, soprano, Grace Medawar, mezzo-soprano, Rani Ayrouh, ténor et César Naassy, basse
Ce concert est en même temps une collecte de fonds ?
Oui. Un lien sera proposé aux personnes intéressées qui pourront offrir leurs dons à la Lebanese Food Bank ainsi qu’au CJC (Cercle de la jeunesse catholique), deux organismes à but non lucratif qui mènent une lutte contre la faim en développant des programmes pour l'alimentation, conjointement au développement de la prise de conscience pour éradiquer ce fléau.
Vous êtes une des rares femmes cheffes d’orchestre mais saviez-vous que parmi nos compositrices libanaises, Violaine Prince, a composé un Requiem qui a été créé en 2014 à Montpellier ?
Non, vous me l’apprenez et je serai très intéressée par la découverte de cette œuvre !
Propos recueillis par Zeina Saleh Kayali