Dans l'OLJ La musique savante libanaise a-t-elle trouvé son public à Paris?

2021-06-24

Par Zeina SALEH KAYALI

Finalement, et après de nombreux reports, la seconde édition du festival Musicales du Liban a pu se tenir à Paris, à la cathédrale Notre-Dame du Liban, durant deux dimanches du mois de juin. Deux concerts qui ont encore une fois démontré la richesse et la diversité du patrimoine musical libanais qui ne finit pas de surprendre et d’interpeller.
Le premier concert, intitulé « Paris-Beyrouth, un aller-retour poétique et musical », donnait à entendre un florilège de mélodies
françaises et libanaises, en alternance avec des textes sur les villes de Beyrouth et de Paris. La soprano Marie-José Matar, le pianiste Georges Daccache, la récitante Élisabeth Drulhe se donnent la parole avec fluidité dans un enchaînement d’oeuvres vocales, pianistiques et littéraires. Pièces de Béchara el-Khoury, Claude Debussy, Iyad Kanaan, Anis Fuleihan, Irma Toudjian, Houtaf Khoury, Georges Baz, Stéphan Emiyan, Nicolas Chevereau, autant de compositeurs dont les langages musicaux diffèrent ou même parfois s’opposent, dans un éclectisme qui caractérise ce répertoire libanais foisonnant et multiple. Marie-José Matar, dont la voix touche par sa richesse et sa justesse d’expression et dont la puissance n’exclut en aucun la finesse des nuances, est amenée à s’exprimer en trois langues, le français, l’arabe et l’anglais, toujours articulée, toujours précise. Le pianiste Georges Daccache, qui est en voie de devenir le spécialiste mondial du répertoire pianistique libanais, alterne, dans une palette sonore aux couleurs chatoyantes, un propos tantôt direct ou plus charmeur, mais toujours convaincant et engagé. Les textes dits par Élisabeth Drulhe touchent un public très attentif : Nadia Tuéni, Alexandre Najjar, Joseph Sayegh, mais aussi Balzac, Guitry, Apollinaire...
Le trio Dugué-Daniel dans la cathédrale Notre-Dame du Liban à Paris. Photo DR
Le second concert était consacré à une prestigieuse dynastie musicale libanaise avec Toufic el-Bacha et Abdel Rahman el-Bacha. On connaît le fils pour sa fulgurante carrière de pianiste, mais ce que l’on sait moins, c’est qu’il est également compositeur. Quant au père, il est indubitablement l’un des fondateurs de la musique savante libanaise. Un trio de jeunes instrumentistes (Louis Dugué au piano, Laura Daniel au violon et Aurore Daniel au violoncelle) a parfaitement saisi l’esprit de cette musique et attaque une première partie plutôt romantique et une seconde plus axée sur l’Orient. On ne résiste pas à la sensibilité d’un Moment musical (en hommage à Schubert), à la joie d’un Prélude andalou ou à la nostalgie d’une Romance sans paroles. Le pianiste à qui il incombe la plus grande part du programme impressionne par sa virtuosité et sa capacité à explorer les différentes atmosphères qui se succèdent. Les archets de la violoniste et de la violoncelliste nous convient à un étonnant voyage de bouleversantes sonorités. Tous trois, quand ils sont
ensemble, occupent l’espace sonore avec un mélange de force et de douceur, toujours très homogènes.
Les organisateurs des Musicales du Liban, qui, vu les circonstances et la confidentialité du propos, s’attendaient à une petite affluence, ont été très agréablement surpris de voir la cathédrale Notre-Dame du Liban quasi pleine, dans le strict respect des normes sanitaires bien sûr. La musique savante libanaise commencerait-elle à trouver son public ?

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