Dans l'Agenda culturel article d'Etienne Kupelian sur le duo Mroué-Balabanian

2013-02-26

Duo Flûte/Piano : Nabil Mroué & Annie Balabanian
Mardi 26 février 2013 - Amphithéâtre Pierre Aboukhater

Le récital de Nabil Mroué et d’Annie Balabanian nous a permis de découvrir quelques compositeurs libanais, jordanien et Azéri, qui ont écrit pour l’instrument le plus proche de la sensibilité orientale, la flûte. Rappelons que la palette sonore de cet instrument, permet de donner libre court à un langage musical où le mélisme et la fantaisie se conjuguent avec un charme prenant.

Le concert s’ouvre avec les six pièces de la «Suite» de Fikrat Amirov (1922-1984), et nous sommes immédiatement frappés par les mélopées aux couleurs bien arméniennes. En effet, si Amirov est Azerbaïdjanais, ses thèmes et ses harmonies nous rappellent fortement le style de Khatchadourian, il n’en reste pas moins que l’œuvre nous charme par son lyrisme et sa chaleur orientale.

Dans la «Fantaisie Mélancolique» de Toufic Succar, l’écriture reste sur le ton de la confidence, mais «l’Introduction et le Fugato» sur un mode phrygien de son fils Marc Succar mérite toute notre attention, tant l’exactitude du discours est sincère et la science de l’écriture bien développée. A côté de ce petit bijou de morceau, «Love Birds» de Marcel Khalifé paraît pour le moins un peu décousu : on a l’impression d’écouter une chansonnette maladroitement adaptée à la flûte; il en reste tout de même cette grâce mélodique que Marcel Khalifé sait astucieusement faire scintiller.

Joëlle Khoury dissèque «Ya Ghzayel» à sa manière (fort intéressante par ailleurs) puis s’interroge et éveille notre curiosité. Son approche séquentielle de ce chant du terroir libanais nous laisse un sentiment indéfinissable : pas de nostalgie, mais un soupçon d’angoisse parsemé de mystère.

Dans «Rising from Ashes» du compositeur jordanien Tarek Younis, rythmes et modes orientaux sont de mise. Ici le compositeur fait appel au savoir faire des deux instrumentistes en leur laissant libre champ pour des improvisations à la manière des «taquassimes» arabes. Si cela peut faire renaître le Phœnix de ses cendres (puisque tel est le but du morceau), c’est tant mieux.

Depuis quelque temps nous voyons une résurgence des compositeurs libanais longtemps laissés (volontairement) dans l’oubli. Saluons l’initiative louable de tous ces musiciens qui remettent au goût du jour des partitions longtemps abandonnées dans des fonds de tiroir. Il y en a parmi elles de très bonnes comme de moins bonnes : on se doit de les écouter toutes, et par la suite, le temps saura retenir les meilleures.

Le choix de ce programme par Nabil Mroué est volontaire, et nous l’en félicitons : la communion de pensée entre le flûtiste et la pianiste prend forme des les premières notes et va se développer tout au long du concert. Peu importe les quelques petites notes tombées à côté, ce qui est essentiel, c’est la tenue du discours qui ne doit en aucun cas desservir l’œuvre et son auteur; pour cela, Nabil l’a fait avec toute l’expérience que nous lui connaissons et la sonorité chaude de sa flûte nous a délicieusement charmés. Ajoutons à cela qu’il était admirablement bien soutenu par Annie Balabanian au piano : voilà une pianiste que nous découvrons et qui devra se manifester dans un récital solo, car l’interprétation qu’elle a donnée de la danse pour piano seul de Boghos Gélalian nous fait dire qu’elle a le tempérament d’une concertiste aux qualités séduisantes.

Etienne Kupélian

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