Dans l'OLJ La riche Semaine de l’orgue au Liban, comme aux jours heureux d’avant la crise

2022-05-05

OLJ / Zeina SALEH KAYALI
La riche Semaine de l’orgue au Liban (SOL) initiée par le père Khalil Rahmé, directeur de l’école de musique de Notre Dame University, et le père Riccardo Ceriani, superintendant du festival d’orgue Terra Santa, s’est achevée en beauté le week-end dernier avec deux excellents concerts qui se sont tenus l’un en l’église Saint-Joseph à Beyrouth et l’autre en l’église Mar Zakhia à Ajaltoun.
Samedi, Fadi Khalil faisait ses débuts de chef à la tête de l’Orchestre philharmonique du Liban et du choeur Notre Dame University. Et quels débuts ! Précision, sensibilité et, chose rarissime et très difficile, il a dirigé par coeur. Pas la moindre partition devant ce chef d’orchestre, ce qui lui permet l’extraordinaire liberté de regarder chacun dans les yeux, d’être avec chaque choriste et chaque instrumentiste à tout moment. Tout le long du concert, l’orchestre et le choeur ont été rivés au chef, formant une matière intense et contrastée.
Ce concert a débuté par deux cantates pour choeur et orgue du compositeur libanais Iyad Kanaan (né en 1972), fleuron du patrimoine musical libanais, qui était lui-même présent dans l’église pleine à craquer, comme aux jours heureux d’avant la crise. L’organiste Silvio Celeghin a fait merveille bien qu’il jouait un orgue électronique. Il a su retentir avec force ou se retirer pour laisser la parole au choeur. L’oeuvre est belle et sombre. Les textes sont ceux de deux psaumes, le n° 13 (Jusqu’à quand, Éternel, m’oublieras-tu sans cesse ?) et le n° 42 (Comme une biche soupire après des cours d’eau). La musique de Kanaan allie la science du choeur et l’imagination poétique épousant les contrastes du texte entre joie et colère, révolte et résignation, tristesse et bonheur. Le choeur a été d’une extraordinaire homogénéité et a restitué l’intention sous la direction inspirée de Fadi Khalil qui a profondément intériorisé l’oeuvre. En l’église Mar Zakhia de Ajaltoun, Les Cordes résonnantes et les élèves de la classe d’orgue de l’école de musique Notre Dame University. Photo DR
Puis est arrivé un ange de douceur, la soprano Marie-Josée Matar, qui a proposé une poignante interprétation de l’Ave Maria de Verdi, extrait d’Otello. La chanteuse s’est montrée irrésistible dans cette déchirante et ultime prière qui dans l’opéra précède de peu l’assassinat de l’héroïne par son mari jaloux.
Enfin, sont venues les Quatre pièces sacrées de Verdi pour choeur, orgue et orchestre, qui traduisent un mélange de piété et d’ambiguïté, parfois apaisées, comme en apesanteur, détachées des choses terrestres, d’autre fois au contraire douloureuses, imprégnées d’humanité, secouées de révolte face à l’inexorable, quasiment théâtrales. Soudés comme un seul homme, le choeur, l’orchestre et l’organiste ont su aller d’un extrême sonore à l’autre, entre austérité monacale et débordement lyrique, toujours conduits sans faille par Fadi Khalil. La difficulté technique de cette oeuvre est immense et l’admiration a été grande de la voir interprétée avec un naturel qui fait oublier les terribles embûches vocales et musicales dont elle est tissée.
En bis retour de Marie-Josée Matar pour une superbe (et méconnue !) oeuvre de Jules Massenet (que l’on appelle le Verdi français), Souvenez-vous Vierge Marie, qu’elle a interprété dans un doux et harmonieux dialogue avec les voix de femmes du choeur.

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