Zeina Saleh Kayali
Cette prestigieuse récompense, établie en 2002, est remise par les Orchestres Canadapour reconnaître des contributions exceptionnelles à la communauté orchestrale canadienne. Le prix honore spécifiquement une personne qui a apporté une contribution sous-estimée mais soutenue et significative à la communauté des orchestres canadiens par son travail, qu’il soit rémunéré ou bénévole. Katia Makdissi Warren, compositrice libano-canadienne, se fait remarquer sur la scène nationale et internationale par son style unique où se rencontrent les musiques du Moyen-Orient, de l’Occident et autochtone. Fondatrice et directrice artistique de l’ensemble Oktoecho, elle a été distinguée afin de célébrer ses contributions de longue date à la diversité, l’équité et l’inclusion dans la communauté musicale canadienne. Katia répond à l’Agenda Culturel.
Vous attendiez-vous à cette récompense ?
Non, ce fut une heureuse surprise. C’est un prix très prestigieux dans le monde des orchestres classiques et le fait que je repense l’orchestre autrement a sans doute intéressé le jury.
Que voulez-vous dire exactement par « penser l’orchestre autrement » ?
Il s’agit d’élargir l’orchestre symphonique occidental en lui adjoignant des instruments dont il n’a pas l’habitude, ou des solistes qui ne font pas nécessairement partie de son univers, comme des chanteurs soufis ou des solistes inuites.
Créer des liens entre les deux mondes, celui de la musique savante occidentale et celui des musiques du monde ?
Oui c’est exactement ce que je fais depuis des années avec mon ensemble Oktoecho avec de nombreux projets impliquant ce dialogue des cultures musicales : des instrumentistes du Moyen-Orient, des solistes autochtones, un chanteur soufi à l’Orchestre symphonique de Montréal, bref rendre l’orchestre plus inclusif et faire connaître à chacun la culture de l’autre.
Que pensez-vous que ce prix puisse apporter au monde musical ?
Principalement donner confiance à certains orchestres symphoniques pour qu’ils puissent aller dans la direction de l’ouverture et de la création des liens entre les différents genres de musiques. Que cela devienne la norme et non l’exception. C’est peut-être le début d’une vraie révolution. Attention, je ne dis pas qu’il faut perdre l’orchestre tel qu’il est. C’est un trésor qu’il convient de conserver précieusement. Mais il évolue sans cesse, souvenez-vous par exemple que Ravel avait adjoint le saxophone à l’orchestre.
Vous avez choisi l’Inuit girls drumming group pour recevoir le don offert par le prix ?
Oui ce groupe se compose actuellement de six filles âgées de 10 à 14 ans. Le groupe s’est produit dans sa communauté pour les aînés, en soutien aux survivant.e.s des écoles résidentielles, lors d’enseignements, de veillées et dans des maisons de soins de longue durée. Elles font participer le public à leurs spectacles, partageant avec lui les tambours et les techniques de base.
Quels sont vos prochains projets ?
Beaucoup de concerts avec Oktoecho à travers le Canada, des projets avec des chanteurs de gorge inuites, avec des solistes amérindiens et une tournée au Chili, des émissions de télévision, des projets éducatifs etc. Par ailleurs je viens de terminer la musique pour le zoo et l’aquarium de Singapour, réunis en un grand complexe. C’est intéressant et inédit d’écrire de la musique pour des animaux !
Vous avez également un projet avec l’Orchestre national de Bretagne en France ?
En effet il s’agit d’une commande d’œuvre pour des scolaires, au Québec et en France, afin d’initier les jeunes au chant breton et au chant inuite. L’œuvre qui s’appelle Chorus Nunavik Breizh, sera créée au mois d’avril prochain. Il y aura même une œuvre gustative créée par le chef pâtissier de l’Elysée autour de la composition !