Passant avec une grâce égale de l’opéra baroque au bel canto, faisant un détour par l’oratorio pour arriver à l’opérette ou la comédie musicale, Samar Salamé est une soprano éclectique qui n’hésite pas à prendre des risques et à promouvoir le patrimoine musical libanais. Elle nous parle de son parcours et de son actualité.
1- On vous appelle le « Rossignol libanais ». Comment avez-vous découvert vos prodigieuses capacités vocales et quel a été votre parcours ?
La vie est un destin ! Pour moi, c’est le chant qui m’a voulue au départ. J’ai longtemps hésité sur la profession que je voulais faire. Après une année de droit, un diplôme en Audio-visuel, je me retrouve à professer le métier que je considérais comme étant un hobby. Je fréquentais certes le Conservatoire Libanais mais ce n’est pas pour autant que je pouvais en faire ma vie. Mais pendant que je finissais mes études, on me propose de chanter l’Ave Maria pour un concert de Noël. Et là, ma famille, mes amis et moi-même avions été surpris du fait que je chantais. Sur ce, mon père demande auprès d’amis intermédiaires de demander l’avis d’un professionnel et c’est ainsi que ma voix est arrivée aux oreilles du Maestro Napolitain Roberto De Simone qui m’a demandé d’intégrer sa troupe pour un spectacle. Je n’ai pu qu’accepter et tenter cette expérience. Et c’est en tournée pendant 1 an en Italie que l’amour du chant m’est tombé dessus. Et donc, j’ai décidé de reprendre mes études au Conservatoire de Santa Cecilia, à Rome, où j’ai également travaillé. Depuis la fin de mes études et jusqu'à présent, je suis à Paris où je continue à me perfectionner (chose que l’on n’arrête jamais), où je prépare plusieurs événements et d’où je me déplace pour mes performances.
2- Vos programmes sont très éclectiques et vous n’hésitez pas à mélanger les genres : opéra, opérette, chanson orientale… Parlez-nous de vos choix musicaux
J’aime tout genre de musique tant qu’elle est bien faite et adaptable à une situation, une ambiance, un public. Disons, que j’aime énormément m’adapter au lieu où je chante, au public qui m’entend, à la circonstance à laquelle je chante… Ce qui compte pour moi c’est de créer cette magie qui fait que le spectateur pendant le temps d’un concert se laisse emporter par un chant, une musique, une ambiance, un décor, une narration, une robe, une voix, un silence.... Et tous les éléments doivent se marier ensemble pour créer cette atmosphère recherchée. Je ne pense pas que l’on puisse toujours chanter la même chose quel que soit le lieu, l’occasion… Les limites n’existent pas. En fait, j’ai découvert que j’aime le sur-mesure. De plus, j’aime énormément que les différents styles coexistent ensemble dans un même spectacle en créant des changements de dynamiques, des changements de genres… Disons que j’aime emmener mon public dans mon monde qui est très contrasté, et très dynamique que cela soit dans les mouvements et les émotions…
3- Vous faites partie des interprètes qui n’hésitent pas à valoriser notre patrimoine musical en interprétant des compositeurs libanais. Vous l’avez fait notamment lors d’une grande soirée organisée par la Délégation permanente du Liban à l’Unesco (Paris) en 2011 et pour l’inauguration du Centre du Patrimoine Musical Libanais (CPML) en 2012. Dites-nous en plus sur cette démarche.
Vous savez, décider de faire de l’art sa vie est une décision très difficile. Au Liban, elle l’est encore beaucoup plus. Oui on aime la musique, la peinture, la sculpture… oui, mais celle de Rodin, de Verdi, de Picasso… mais quant à nos artistes et compositeurs libanais, ils ont quand même du mal à trouver leur place dans la société libanaise. Quand la Délégation permanente du Liban à l’Unesco (Paris) et le Centre du Patrimoine Musical Libanais (CPML) (Liban) m’ont demandé d’interpréter des compositeurs libanais, au début je l’ai abordé comme n’importe quel concert auquel on me conviait. Puis petit à petit que les choses se faisaient, je me suis rendue compte de l’importance de cette œuvre que vous-même poursuivez, d’abord par à votre ouvrage « Compositeurs libanais XXe et XXIe siècles » qui a enfin permis de répertorier tous nos compositeurs, de mettre en avant leur musique et ainsi avoir un premier témoignage de leur existence en tant qu’entité appartenant à un pays et non seulement en tant que compositeur parmi tant d’autres jetés dans la masse. Ou encore par le Centre du Patrimoine Musical Libanais (CPML), qui met à disposition de tout un chacun toutes ces œuvres créées, de les archiver et ainsi créer ce lieu de regroupement musical et d’appartenance. Avec ces deux grands projets, qui sont en fait un tournant dans l’histoire de la musique libanaise, les compositeurs libanais, et par conséquent la musique libanaise, ont enfin une place pour eux au Liban et pourront de cette façon exister et participer à l’évolution de la musique en général. Une sensation d’appartenir et de soutenir son propre pays. J’ai eu beaucoup de chance d’avoir été choisie pour interpréter certaines œuvres de compositeurs libanais lors de ces deux grands événements, grâce auxquels, j’ai découvert de grands talents libanais qui n’ont rien à envier aux compositeurs internationaux. Je pense que nous avons tous les moyens afin de pouvoir clamer notre existence.
4- Quelle est votre prochaine actualité ?
Actuellement, je chante la partie de la Soprano de la Passion Selon Saint Jean de J.S. Bach à l’AUB avec le Maestro Thomas Kim, à l’Assembly Hall, le 1er et 2 Mai 2013. Ensuite, je reviens à Paris où j’interviens dans le concert du Maestro Wassim Soubra, qui est d’ailleurs un de nos grands compositeurs libanais que j’ai rencontré lors de l’inauguration du Centre du Patrimoine Musical Libanais (CPML). Et je prépare de grands événements dont je ne voudrais pas encore en parler mais vous le saurez en temps voulu, au Liban en France et aux Etats Unis.
Propos recueillis par Zeina Kayali, Paris