Interview de Gabriel Yared dans l'Agenda culturel

2013-05-08

Doit-on présenter Gabriel Yared ? Ce compositeur surdoué, créateur de musiques de films inoubliables (le Patient anglais, l’Amant, Camille Claudel, le Talentueux Mr Ripley etc…), oscarisé , césarisé et célébré dans le monde entier, nous parle de sa bouillonnante actualité et de sa conception des musiques libanaises. L'opéra de Covent Garden à Londres va bientôt voir la création de ‘Raven Girl’ du chorégraphe Wayne McGregor, ballet dont vous avez écrit la musique. Ce n'est pas votre première musique de scène. On peut notamment évoquer ‘Clavig’o de Roland Petit que le public libanais a eu l'occasion de voir (et d’entendre !) au Festival de Baalbeck en 2001. Aimez-vous ce travail avec les chorégraphes ? Que vous apporte-t-il de différent par rapport au travail avec un réalisateur de film ? J’adore absolument le travail avec les chorégraphes. C’est pour moi la liberté totale et c’est aussi une question de rythme. Quand on compose de la musique pour une chorégraphie, contrairement au cinéma, la musique précède le livret. On a le temps d’exprimer sa musique, on est pas coupé toutes les deux secondes comme au cinéma. Le compositeur, qui sait qu’il a au minimum une heure de musique devant lui, peut prendre le temps de construire un arc de thématique comme dans une symphonie avec des mouvements qui se suivent mais quand même des cellules unitaires. Quant aux danseurs, ils sont l’incarnation de la musique et, depuis l’antiquité, la musique et la danse sont insociables. Vous êtes le parrain du Centre du patrimoine musical libanais (CPML) et vous y avez déposé des documents passionnants sur votre parcours musical. Pensez-vous qu’il est important pour le Liban de rassembler et de conserver ce patrimoine musical ? Evidemment que c’est important pour le Liban ! C’est même essentiel ! Et c’est une extraordinaire initiative. Quand je recherche une partition autographe de Chopin ou de Ravel, je suis heureux de pouvoir aller à la Bibliothèque nationale de France (BNF) pour la consulter. Pour un musicien, savoir qu’il peut avoir accès aux archives et à la documentation d’autres musiciens et très important. A la différence des pays occidentaux où l’on retrouve un genre plutôt unique de musique, nous avons, au Liban, la chance de bénéficier d’une diversité extraordinaire de musiques, un patrimoine musical éclectique comme les Libanais eux-mêmes : d’une part la musique dite occidentale qui est parfaitement bien représentée par Bechara El-Khoury ou Naji Hakim, d’autre part la musique marquée par l’orientalisme comme celle de Toufic Succar ou Boghos Gelalian, sans compter les
comédies musicales des Rahbani, les chansons etc…Il est donc indispensable de conserver ce patrimoine musical et de pouvoir le consulter. Votre actualité des mois à venir est totalement bouillonnante. Pouvez-vous nous en parler ? Je viens de terminer un film en langue anglaise de Patrice Leconte, ‘A Promess’, d’après une nouvelle de Stefan Zweig intitulée ‘Voyage dans le passé’. Actuellement je travaille avec un jeune génie canadien, Xavier Dolan, sur un thriller à huis clos, ‘Tom à la ferm’e. Ce jeune réalisateur, dont c’est le quatrième film, est absolument extraordinaire. Il a déjà été deux fois à Cannes, avec des films intitulés ‘Laurence anyways’ et ‘J’ai tué ma mère’. La musique de ‘Tom à la ferme’ devrait être enregistrée d’ici la fin du mois de juin et, bien que nous n’ayons pas beaucoup de moyens, j’ai jugé que cela valait la peine de se lancer dans une telle aventure aux côtés d’un réalisateur aussi doué. Par ailleurs, je commence à travailler sur la musique d’un dessin animé tiré du ‘Prophète’ de Gibran Khalil Gibran. Le film sera réalisé par Roger Allers (réalisateur du ‘Roi lion’) et produit par Salma Hayek. L’enregistrement est prévu pour le mois de décembre. Enfin je travaille à la musique d’un biopic du réalisateur Jalil Jespert sur Yves Saint Laurent. L’enregistrement est prévu pour le mois d’octobre Propos recueillis par Zeina Kayali, Paris

Partager