Abdel Rahman El Bacha joue les 32 Sonates de Beethoven à Tours - Une philosophie du piano sur le site Concertclassic

2013-11-18

Dans le cadre des Fêtes musicales en Touraine, le pianiste franco-libanais Abdel Rahman El Bacha se confrontait, en une semaine et dix concerts, à l’intégrale des Sonates de Beethoven (1), un exercice qui lui est familier. Loin de toute tentation stakhanoviste, par sa musicalité, le dosage des sonorités, le refus du spectaculaire, il contribue à forger une esthétique originale perçue selon lui comme un véritable chemin de vie.

Les deux premiers récitals de ce voyage au long cours sont consacrés aux quatre premières opus (Op. 2 nos 1-3, op. 7), auxquels sont associées les « petites » Sonates 19 et 20, tout aussi redoutables malgré leur apparence ludique et leur classicisme détourné. La démarche intellectuelle du soliste, la conduite discursive de son propos sont mises en valeur par un legato subtil décliné avec élégance et sens de la respiration. Sur un Bechstein au galbe sensuel, les foucades du jeune Beethoven, la violence de ses sforzandos et les effets de surprise sont sans cesse tempérés par un cantabile qui se développe avec aisance et sans aucune brutalité percussive.

El Bacha sait donner du temps au temps dans les mouvements lents, ne perd jamais la continuité d’un discours supérieurement pensé. Le caractère haydnien des œuvres de jeunesse évolue progressivement sous ses doigts d’une habilité diabolique vers une rhétorique au caractère de plus en plus dramatique (Largo con gran espressione de la Sonate n° 4). Technicien hors pair, l’interprète se hausse ainsi sur des cimes. Le contrôle des éléments qui n’interdit pas l’engagement (Prestissimo de la Sonate n° 1) bannit le sentiment d’urgence (Allegro ma non troppo de la Sonate n° 20) au profit d’une réflexion portée à une dimension philosophique.

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