À la Philharmonie de Paris, l’hommage de Béchara el-Khoury à la mémoire des victimes du CRIME du 04 AOUT 2020
Le violoniste Arnaud Nuvolone a interprété samedi avec l’Orchestre Pasdeloup, sous la direction de Christian Vasquez, l’œuvre du compositeur libanais intitulée « Noir sur l’horizon ». pour L’OLJ / Par Zeina SALEH-KAYALI, le 26 janvier 2025 à 13h27
L’Orchestre Pasdeloup sous la direction du chef vénézuélien Christian Vasquez avec en soliste, le
talentueux violoniste Arnaud Nuvolone. Photo DR
Création mondiale de Noir sur l’horizon de Béchara el-Khoury (né en 1957) à la Philharmonie de Paris, pièce pour violon et orchestre dédiée aux victimes du CRIME du 04 AOUT 2020 au port de Beyrouth, dans le cadre d’un concert donné par l’Orchestre Pasdeloup sous la direction du chef vénézuélien Christian Vasquez. En soliste, le talentueux violoniste Arnaud Nuvolone, grand ami du Liban et premier violon à l’orchestre de l’Opéra national de Paris.
L’œuvre évoque l’un des (multiples) drames qui ont touché le Liban. Le compositeur y exprime son désarroi et sa solidarité envers le pays qui l’a vu naître et qui n’en finit pas de souffrir. Elle a été composée en 2021 un an après les faits, car touché au fond du cœur, Béchara el-Khoury avait besoin, après le premier choc passé, de laisser les choses se calmer avant de commencer à écrire.
La pièce est définie comme « méditative et lyrique ». Le violon y joue le rôle principal avec quelques effets orchestraux sans toutefois qu’il y ait d’explosions orchestrales, comme c’est souvent le cas dans l’œuvre du compositeur. « C’est une musique qui demande de la sérénité et qui pousse à l’espoir pour essayer d’oublier le désespoir qui touche le Liban depuis un demi-siècle », poursuit-il.
Le violoniste Arnaud Nuvolone. Photo DR
Pour Arnaud Nuvolone Noir sur l’horizon fut une découverte totale. « L’œuvre est lente, méditative, planante, avec des notes très longues et quelques moments de climax. La difficulté principale n’est pas ici d’ordre technique, mais plutôt dans le sens qu’il faut trouver à l’œuvre », poursuit-il. Et ce sens, Arnaud Nuvolone l’a trouvé, dans la profonde musicalité qui est la sienne. Faisant corps avec son instrument, en symbiose totale avec le chef et l’orchestre, il en livre une interprétation d’une grande intensité, sombre et poétique en même temps, comme peut l’être l’âme du compositeur.
L’émotion est palpable et prend à la gorge. Un silence suit la fin de l’œuvre, le public est encore sous
le choc. Puis soudain les applaudissements fusent.
Le concert se poursuit avec la Danse rituelle du feu de Manuel de Falla (1876-1946), tirée de son ballet l’Amour sorcier. L’orchestre sous la direction très inspirée de son chef, excelle dans le côté obsessionnel, répétitif et plein de tension de cette œuvre qui tranche complètement avec la pièce méditative de Béchara el-Khoury. Vient ensuite La Nuit et l’amour de la compositrice française Augusta Holmès (1847-1903), interlude symphonique extrait de Ludus pro patria (Jeu pour la patrie), une ode symphonique qu’elle compose en 1888 pour glorifier la France. Il est intéressant de noter qu’Holmès est l’une des rares compositrices dont les œuvres orchestrales ont été jouées de son vivant et notamment par l’Orchestre Pasdeloup (qui existe depuis 1861 !)
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Arrive alors sur scène un piano pour la Totentanz de Franz Liszt (1811-1886), œuvre pour piano et orchestre qui se présente sous forme de thème et variations sur la mélodie médiévale du Dies Irae. L’œuvre, diaboliquement virtuose, est magistralement interprétée par le pianiste François Dumont. Elle met en dialogue et en confrontation le soliste et l’orchestre, à la manière d’un concerto dont les six variations s’organisent comme des mouvements. Et sous les doigts de cet excellent interprète, accompagné par la poigne de Vasquez qui obtient des forces de l’orchestre impact et puissance,
l’œuvre explose, démoniaque.
Le concert se clôt en beauté et en majesté par la Suite n° 2, de Roméo et Juliette de Serge Prokofiev
(1891-1953), œuvre tirée du ballet éponyme, qui se déroule en sept mouvements dont la célèbre Danse des chevaliers.
Le compositeur libanais Béchara el-Khoury. Photo DR
Et pour en revenir à notre Béchara el-Khoury, compositeur admiré en Occident et hélas ignoré dans son propre pays, il est bon de rappeler que son œuvre a touché les plus grands interprètes tels que Daniel Hope, Sara Nemtanu, Patrick Messina, Emmanuel Pahud, David Guerrier, Kurt Masur, Pierre Dervaux, Daniele Gatti, Paavo Järvi, James Conlon, Daniel Harding et bien d’autres. Les orchestres les plus prestigieux ont joué ses œuvres : l’Orchestre national de France, l’Orchestre de Paris, l’Orchestre national de Lyon, le London Symphony Orchestra, le NDR Sinfonieorchester de Hambourg, l’Orchestre
de la philharmonie Tchèque, etc.
Pour mémoire Monsieur Béchara el-Khoury, « votre concerto a touché au cœur »
Son catalogue comprend également un important corpus pianistique et en 2012, sa pièce Rivers est le morceau imposé du Concours international de piano Marguerite Long. Parmi les pianistes ayant interprété l’œuvre de Béchara el-Khoury, l’on peut citer Pascal Amoyel, Abdel Rahman el-Bacha, Giacomo Scinardo ou David Lively entre autres.
Béchara el-Khoury ne peut rester indifférent aux événements du monde, qui souvent lui ont inspiré des œuvres magistrales comme New York Tears and Hope (attentats du 11-Septembre) ou Il fait novembre en mon âme (attentats de Paris de 2015). Les drames qui touchent le Liban le bouleversent, et il a composé de nombreuses œuvres en hommage à son pays. Noir sur l’horizon vient compléter ce catalogue déjà si riche en musique et en émotion.